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1977, la tournée française de Peter Gabriel se termine dans le sang

écrit par Nicolas Schlaffmann le mardi 26 avril 2022

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1977, la tournée française de Peter Gabriel se termine dans le sang


Nous sommes en octobre 1977, Peter Gabriel donne plusieurs concerts en France, à Paris (Olympia), à Lyon (Palais des Sports) et Colmar (Palais des Sports). La tournée passe également par Dijon, Lille, Poitiers, Bordeaux, Toulouse et un concert supplémentaire est ajouté à Paris au nouvel Hippodrome de Paris, Porte de Pantin le dimanche 30 octobre 1977.

 

1977, la tournée française de Peter Gabriel se termine dans le sang

Mais revenons à Peter Gabriel. En 1975, après son départ de Genesis dont il était le chanteur, Peter Gabriel sort son premier album solo le 25 février 1977. Un album qui sera fraîchement accueilli par la presse musicale de l’époque, surpris par les accents rock du disque, loin des compositions sophistiquées de Genesis. Ce disque produit par Bob Ezrin (producteur entre autres de Lou Reed à la même période) connaîtra néanmoins un grand succès grâce à des titres majeurs comme Solsbury Hill et Here Comes The Flood. À noter que ce disque recevra plusieurs récompenses, dont le Prix de l'Académie Charles-Cros.

Ce 30 octobre 1977, Peter Gabriel revient à Paris pour un concert supplémentaire. L'occasion pour ceux qui avaient raté les précédentes dates de découvrir l’intégralité de son premier album en live. Bien sûr, le public présent n'aura pas la chance d'entendre ni de voir Robert Fripp, Steve Hunter ou Dick Wagner, musiciens prestigieux jouant sur l'album, mais ils croiseront Tony Levin à la basse. Le groupe assure bien, on retrouve le son rock et l'emphase de l'album qui ont fait son succès.

Les fans présents n'auront malheureusement pas le droit, comme ces heureux chanceux qui ont assisté au concert de Peter Gabriel à la Fête de le Huma ce 10 octobre 1977, à une reprise de The Lamb Lies Down On Broadway avec Phil Collins durant le rappel. Peu importe, ce 30 octobre, le set est un triomphe et Peter Gabriel s'avère excellent en live, sa présence charismatique embarque le public. Ceux qui le verront plus tard à l'occasion de ses tournées comme So ne me contrediront pas.

Tout ça resterait un beau souvenir pour les fans de Peter Gabriel, s'il n'y avait pas eu l'assassinat de Lucien Melyon, en marge du concert à l’Hippodrome de Paris. Ça ne vous rappelle rien ce genre d'histoire ? Souvenez-vous, les Rolling Stones au festival d'Altamont le 6 décembre 1969, ce jour-là un jeune homme est assassiné par un membre du service d'ordre en plein concert.

1977, la tournée française de Peter Gabriel se termine dans le sang

L'affaire est moins connue que celle des Stones, mais tout aussi sordide. Les ingrédients sont les mêmes : un jeune homme, Lucien Melyon, un jeune lycéen guadeloupéen âgé de dix-sept ans, passionné de musique, est assassiné par Marcel, un membre du service d’ordre du concert. Lucien sera touché par une balle tirée près du cœur. Il décédera très rapidement de ses blessures. Le fait s'est produit à l'extérieur de la salle quelques minutes avant le début du concert de Peter Gabriel. "Y a eu un accident, c'est tout." C'est l'argument que donnera l'accusé, membre du service d'ordre âgé de 29 ans, en parlant du meurtre du jeune homme. Marcel l'a "tiré" pour une sombre histoire de deux billets de 10 francs, l'équivalent de 3 € aujourd'hui, volés dans la poche du frère de Lucien, Christian Melyon, à l'occasion d'une "palpation" sous prétexte de chercher de faux tickets de concert. Un coup de feu volontaire sera tiré, ce que ne nie pas l'accusé. Ce soir-là, ils étaient plusieurs à être impliqués avec Marcel. On retrouve Jean-Claude vingt-quatre ans, autre membre du service d'ordre accusé de coups volontaires et de port d'arme, il y a également un certain Daniel, vingt-six ans, venu prêter main-forte avec sa chaîne de moto, qui répond des mêmes délits. À l'époque, on appelle ça une "ratonnade" l'affaire est sordide. Les trois accusés dont Marcel, l’auteur du coup de feu, très vites identifiés, sont jugés. Ça ne rendra pas la vie au pauvre Lucien Melyon, mais les trois auteurs ont tous été condamnés.

Cet assassinat mobilisera beaucoup l'opinion publique en France à l'époque. Plusieurs manifestations seront organisées à la mémoire du jeune Lucien. Cette affaire aura surtout permis de mettre en lumière outre l'aspect raciste évident, les conditions douteuses dans lesquelles étaient organisés les grands concerts à Paris, l'occasion de réclamer de vraies salles de spectacles avec de vrais services d'ordre. Je ne sais pas si Peter Gabriel a su ce qui s'était passé ce jour-là en marge de son concert. Probablement l’a-t-il appris plus tard ? 

Je me souviens qu'un comité à la mémoire de Lucien Melyon avait été créé et que ce comité avait demandé à la chanteuse Joan Baez d'annuler un concert qu'elle devait donner quelque temps plus tard à Paris. On retiendra ce slogan qui résume bien cette triste affaire : "Plus d'abattoir, mais des salles de concert équipées !". L'occasion de tourner la page avec les Abattoirs de la Villette qui accueillirent les concerts de David Bowie, des Rolling Stones et des Who entre autres. Un lieu pas vraiment prévu pour ça et à l’acoustique plus que douteuse qu’heureusement les amateurs de rock n’ont plus eu à subir à partir de l’année suivante. 

Nicolas Schlaffmann
écrit le mardi 26 avril 2022 par

Nicolas Schlaffmann

Rédacteur pour Janis, nouveau média 100% musique lancé par LiveTonight

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mis à jour le mardi 26 avril 2022

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