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Squid : Apologie du rock visqueux

écrit par Jean-Baptiste le mardi 12 septembre 2023

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Squid : Apologie du rock visqueux

 

nb : Squid est un des groupes préférés de la rédac, on sera à leur concert le 25 septembre à l’Élysée Montmartre, on vous recommande de faire de même (faites-nous coucou si vous y allez). 

T’as des groupes qui portent bien leur nom. Genre Metallica (#metal). Ou encore Sonic Youth. Et puis t’as Squid. Qui est littéralement un calamar musical. Mais c’est quoi un calamar musical tu me diras ? Viens avec moi, je t’embarque pour un cours de cuisine musicale.

Squid : Apologie du rock visqueux

Disclaimer : je ne suis pas un biologiste marin, il y a une confusion générale sur le poulpe, le calamar et autres pieuvres dans cet article. Il se peut également que des faits sur les céphalopodes soient erronés.
 

Camouflage
 

Quand on pense céphalopode, on pense à un truc gluant & flasque. Pas très ragoutant dit comme ça je te l’accorde. Mais bon on peut pas y échapper. Pour autant il y a un paquet de monde qui raffole de la viscosité du susmentionné mollusque. Pourquoi ? Parce qu’il y a du beau (et du bon) dans le visqueux. Et ça Squid l’a bien compris. Ne te méprends pas, leur musique n’est pas plate (ni flasque), mais elle est bien visqueuse. Elle glisse entre tes oreilles. Sans que tu puisses tout à fait la capter. Comme si t’essayais d’attraper un poulpe. Tu sens que tu vas avoir l’air con et que ça va te glisser entre les doigts.

Bah là c’est pareil. Tu comprends pas trop comment tu vas pouvoir saisir l’objet musical que te balancent ces jeunes musiciens britanniques. Y a des couches et des couches et des couches de son qui se superposent dans une harmonie en perpétuel mouvement. Il y a pas de dessus, pas de dessous, pas d’endroit et pas d’envers chez Squid. Mais c’est pas le bordel pour autant. C’est même mené avec une précision incroyable. Des cuivres qui viennent remplacer une nappe analogique. Qui en fait devient un riff de guitare qui en fait devient un bruit blanc qui en fait est un rythme joué à la cowbell.

C’est comme un poulpe qui se camoufle pour se cacher dans les fonds marins. Dès que tu as l’impression de vraiment étendre ce qui se passe, la musique se camoufle. C’est un délire absolu. C’est le pinacle de l’évolution. Se dissimuler pour mieux exister.


 

L’important c’est la sauce
 

Et cette faculté de la musique de Squid à se dissimuler a des vertus formidables. Au-delà de créer une sensation unique à la première écoute (et parfois extrêmement déroutante), ça donne une profondeur extrême à chaque chanson.

Parce que tu auras beau écouter 300 fois un titre de Squid, tu entendras 300 fois des choses différentes. Et c’est comme pour le calamar. Ce qui est bon dans le calamar c’est la texture, mais c’est surtout la sauce.

Alors en termes de texture, difficile d’aller les chercher Squid. C’est parfois doux et rond. Parfois tendu et rêche. Il y a un travail de production fantastique qui donne à chaque titre deux leurs deux albums (Bright Green Field, 2021 & O’Monolith 2023) une touche particulière. 

Chaque titre est un univers dans lequel Squid s’adapte et se camoufle. Et ça traverse parfois toute une série de paysages. Comme sur If You Had Seen the Bull’s Swimming Attempts You Would Have Stayed Away sur leur dernier album. On commence au fond d’une eau radioactive avec des bateaux qui chavirent - ambiance terriblement mécanique, avant de se retrouver au large d’une plage secrète d’Amérique du Sud - ambiance fondamentalement organique.

Et dans ces contextes, Squid nous propose une toute une série de sauces mélodiques à tomber à la renverse. De la plus simple - petite mayonnaise régressive et réconfortante - à la plus ambitieuse - sauce au piment qui en fera baver même les plus courageux.

Écouter une chanson de Squid, c’est comme faire un entrée plat dessert à base de poulpe. Ca fait bizarre. Mais ça déchire.


 

Polymorphe


Être visqueux qu’il est, le poulpe peut se déformer à l’infini - ou presque. La musique de Squid c’est pareil. C’est du rock, c’est du jazz, c’est de la prog, c’est expérimental, c’est du post punk, c’est de la noise. Mais en même temps c’est rien de tout ça. Ou c’est tout à la fois. On sait pas trop. Comme un poulpe qui se déforme pour rentrer dans sa cachette, Squid se déforme pour trouver sa place dans une industrie musicale rock parfois formatée et monolithique.

Sous ce caillou qu’ils ont trouvé pour grandir et faire grandir leurs petits, on retrouve un gros tapis de post-punk - notamment dans les voix. Mais aussi des rythmes chaloupés qui pourraient - en tirant un peu le trait - rappeler la façon dont un poulpe se déplace de manière non linéaire et presque un peu maladroite. 

Tant qu’on est sur le rythme, j’en profite pour dire que c’est le batteur qui est le chanteur. Fait rare qui mérite d’être souligné. Au fond (de l’océan lol), Squid c’est un peu comme les calamars. On se demande d’où ça vient et comment on en est arrivé là. Mais on est tellement content que l’évolution nous réserve des surprises comme ça. C’est une espèce à part.


 

Tentaculaire
 

Je peux pas résister à faire le parallèle avec les tentacules évidemment. Pourquoi s’emmerder à filer la métaphore sur le poulpe si c’est pour rater l’essentiel ? Parce que de fait, l’essentiel est là. Une fois qu’on a écouté Squid, on ne peut pas s’empêcher d’y revenir. Encore. Et encore. Et encore. Comme quand t’as commencé à attaquer les calamars frits, impossible de s’arrêter. Un gout de reviens-y comme disent les anciens.

C’est de la musique tentaculaire, ça t’attrape, et ça te laisse plus partir. Et t’es heureux de te faire attraper.

Je me suis fait attraper par le monstre marin qu’est Squid. Et toi aussi, laisse toi emmener dans les fonds marins infinis aux couleurs et textures inconnues. Et ce ne sont en rien des abysses dans lesquels on se noie, mais aux contraires des profondeurs qui nous élèvent et qui nous font nous dire “Merci à toi l’évolution d’avoir créé le visqueux”.



 
Jean-Baptiste
écrit le mardi 12 septembre 2023 par

Jean-Baptiste

Fan de musique - et de celle qui tâche en particulier - Jean-Baptiste est un des mélomanes à l'origine de Janis

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mis à jour le mardi 12 septembre 2023

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