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Warhol’n’rock - Épisode 3 - Les hommages au pape d’un genre nouveau 

écrit par Paul Cailly le mercredi 15 novembre 2023

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Warhol’n’rock - Épisode 3 - Les hommages au pape d’un genre nouveau 

Andy Warhol est sans doute possible une figure bien étrange, et sa Factory un lieu de mystère. Il a tout naturellement inspiré beaucoup d’artistes, lui rendant hommage ou cherchant son assentiment (car c’est toujours bien, n’est-ce-pas ?). Comment ne pas citer ici Bowie, qui l’incarna même à l’écran dans le cadre du biopic consacré au peintre Jean-Michel Basquiat (Basquiat, 1996). Le premier Velvet Underground a ouvert les oreilles et les horizons du jeune Anglais, reprenant avant tout le monde les chansons du groupe new yorkais dans ses concerts de jeune débutant. 

Warhol’n’rock - Épisode 3 - Les hommages au pape d’un genre nouveau 

1971 voit la sortie de son quatrième album, Hunky Dory, contenant deux titres en direct rapport avec sa fascination précoce pour l’univers warholien. Le premier, Queen Bitch, est un pastiche-hommage à Lou Reed et au Velvet Underground, à cette écriture urbaine qui a  contribué à forger sa signature musicale. Le second est plus direct, simplement intitulé Andy Warhol. C’est un éloge pur et simple, sans réserve. Ce titre, plutôt folk, aux paroles évocatrices, il la présentera directement au maître, à la Factory, lors de son premier voyage aux Etats-Unis la même année. 

Surprenamment, Andy le prendra mal, deviendra mutin et sortira de la pièce à plusieurs reprises, avant de revenir et de discuter avec Bowie sur les chaussures qu’il porte, alors que celui-ci attendait l’adoubement de l’éminence grise du Velvet Underground. Une fois Bowie parti Warhol interrogera son entourage : faut-il oui ou non imposer des royalties sur l’utilisation de son nom ? L’art commercial au dernier des degrés. En tout cas, c’est un triste malentendu qui ne se règlera jamais… L’œuvre de Bowie gardera tout de même l’empreinte de l’influence de Warhol, tout en s’en détachant avec aisance, y revenant au gré des envies (ce que Lou Reed n’a jamais su faire, finalement).

Warhol’n’rock - Épisode 3 - Les hommages au pape d’un genre nouveau 
David Bowie incarnant Andy Warhol, 1996 

Autre anecdote amusante au sujet du premier séjour américain de David Bowie… Fan absolu du Velvet Underground, celui-ci va naturellement chercher à les voir en concert et également à rencontrer Lou Reed, une de ses idoles. 

Il verra effectivement le groupe, et ira présenter ses respects au leader de la formation, le submergeant de questions, son interlocuteur tentant d’y répondre au mieux. En sortant de cette entrevue, fier comme un coq, il jubile d’avoir enfin rencontré Lou Reed, Lou Reed qu’il reverra quelque temps plus tard, à Londres… Seulement, le dit-Reed lui déclare ne l’avoir jamais rencontré ! En réalité, le pauvre Anglais avait échangé avec Doug Yule, ayant repris les reines du Velvet Underground après le départ de Reed en 1970, comme quoi… Cela n’empêchera pas David Bowie d’épauler Lou dans la production de son Transformer (1972), où l’un des titres, Andy’s Chest, relate d’ailleurs la tentative d’assassinat de Warhol perpétrée par Valérie Solanas en 1968. Présent sur le même disque, le classique Walk On The Wild Side est une description sans fioritures de l’univers warholien tel que Reed a pu le vivre. 

Le titre Andy Warhol connût une seconde jouvence lorsqu’il fut réinterprété par Dana Gillespie, une proche de Bowie, en 1971 dans une version glam-rock des plus efficaces. 

Plus tard, le décès de Warhol inspira les hommages de la génération new wave, comme celui des Transvision Vamps, signant Andy Warhol’s Dead sur leur album Pop Art de 1988, ou encore les Simple Minds une décennie plus tard sur Néapolis (1998) avec Killing Andy Warhol. Des groupes comme Blondie, Talking Heads, Devo ou les Comateens se réclament de l’influence artistique de Warhol, et celui-ci s’en réjouit, se rendant à leurs concerts et les photographiant. Plus tardivement, les Dandy Warhols imprimeront même son nom sur leurs albums (peut être leur aurait-il réclamé des royalties s’il avait vu ça…).

Également, l’univers de la Factory, ses murs tapissés d’aluminium, son canapé défoncé, ses tableaux majeurs à la peinture pas encore sèche et ses superstars dans des états changeants ont inspiré, même des artistes français comme Etienne Daho, dédiant la face B de son single  Tombé pour la France (1985) à la Ballade d’Edie S. consacrée à Edie Sedgwick, peut-être la plus grande des superstars warholiennes.  

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Etienne Daho, 1985

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Andy Warhol, Edie Sedgwick 

Mais, et ce sera notre conclusion, le plus grand et bel hommage qu’on ait pu faire à Andy Warhol provient du travail conjoint de deux frères ennemis, éloignés par les différends et les années mais rassemblés pour rendre hommage au mentor, J’ai nommé (encore) Lou Reed et John Cale. Ce disque, sorti en 1990, se nomme Songs For Drella, Drella étant une contraction entre Dracula et Cinderella (Cendrillon) inventée par la superstar Ondine, c’est un surnom qu’on a pu donner à Andy. À noter que celui-ci le détestait absolument.  

Cale et Reed sortent peu à peu de la mélasse des eighties, qui ne leur furent pas favorables, Lou remontant péniblement la pente avec le frais et correct New York (1989), après les horreurs de Mistrial et la tournée Amnesty, et Cale émerge aussi, sobre et déterminé à  conquérir la prochaine décennie, qui s’avèrera décisive pour lui.

Warhol’n’rock - Épisode 3 - Les hommages au pape d’un genre nouveau 
Lou Reed & John Cale, Songs for Drella, 1990 

Ils ne s’étaient ni parlés ni vus depuis des années, mais le décès presque accidentel de Warhol les rapproche. Le duo se retrouve pour élaborer une adaptation musicale romancée de la vie de l’artiste sous la forme d’une (auto)biographie. Ils ne sont que deux dans le studio, s’occupant de tous les instruments. Le résultat est confondant, et sans aucune batterie, toute la vie d’Andy, de son arrivée à New York à sa tentative de meurtre, tout est retranscrit de manière brillante, douce mais sans concession (le titre A Dream étant en réalité un extrait du journal de Warhol, où il énonce détester Lou Reed de tout son cœur car il ne lui parle jamais et ne l’a pas invité à son mariage de peur, selon lui, qu’Andy ramène trop d’invités, ce sont les paroles dures d’un déçu et d’un phobique de la solitude, ayant un sens fort de l’amitié, récitées par un Cale impassible). 

L’album mérite clairement l’écoute et sera d’abord joué live lors de l’inauguration de l’exposition consacrée au pape du pop art à la Fondation Cartier. La réunion de Cale et Reed mènera à l’éphémère retour du Velvet Underground au début des années 1990. 

C’est la fin de notre rétrospective Warhol, un artiste inclassable et sans pareil, ayant terriblement inspiré, comme on a pu le voir. Ses lubies passagères, comme le Velvet Underground, auront un impact durable, et son éclectisme en aura fait un être imprévisible.  La modernité des thèmes abordés, approchant ou étant noyés parfois dans un avant-gardisme profond, fait d’Andy Warhol une figure perpétuellement en avance. 

Mort dans la solitude aseptisé d’un hôpital new yorkais un jour de février 1987, Warhol manque terriblement. Nous reste son œuvre, un puit sans fond, et son influence, toujours aussi vivace et durable. Il vous suffit de voir la foule ayant afflué lors de sa dernière rétrospective artistique à la Fondation Louis Vuitton (Basquiat X Warhol, à quatre mains). 

En guise de point final, je vous laisserai avec ces quelques mots issus de Style It Takes tiré de Songs For Drella, et une simple invitation, à l’imagination et à l’anti-conformisme, mettez de l’art dans votre vie, mais restez hors des chemins battus, toujours. 

“You've got the money, I've got the time 
You want your freedom, make your freedom mine 
'Cause I've got the style it takes 
And money is all that it takes 
You've got connexions and I've got the art 
You like my attention and I like your looks 
And I have the style it takes and you know the people it takes” 


Warhol’n’rock - Épisode 3 - Les hommages au pape d’un genre nouveau   
Warhol photographe

Paul Cailly
écrit le mercredi 15 novembre 2023 par

Paul Cailly

Rédacteur pour Janis, nouveau média 100% musique lancé par LiveTonight

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mis à jour le mercredi 15 novembre 2023

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