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The Strokes - L’illustration d’album comme reflet de la musique – Épisode 2, Room on Fire - 2003

écrit par Maxime Rouby le mardi 4 octobre 2022

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The Strokes - L’illustration d’album comme reflet de la musique – Épisode 2, Room on Fire - 2003

L’art a ceci d’intéressant qu’il est pluridisciplinaire. Certaines disciplines perdent d’ailleurs quelque peu de leur intérêt si elles ne sont pas complétées par une autre. Une hypothèse qui se vérifie par exemple avec le cinéma, lorsque la musique entre en scène pour magnifier l’action présentée à l’écran. Cette dualité entre son et image existe également dans l’industrie musicale, par le biais des pochettes d’album. L’estompement des frontières entre art visuel et auditif permet alors de servir plusieurs objectifs. The Strokes, eux, l’ont bien compris. On continue notre rétrospective de leurs six albums avec l’épisode 2, Room on Fire.

The Strokes - L’illustration d’album comme reflet de la musique – Épisode 2, Room on Fire - 2003


Room on Fire ou comment briser la malédiction du second album

 

Le phénomène est courant. Il est même extrêmement répandu. À chaque fois qu’un artiste émerge sur la scène musicale, le premier album fait foi et sert de référence absolue, déterminant les attentes du public pour les suites à venir. Comme s’il était impensable de dévier de sa trajectoire d’origine et que tout changement, tant dans le style musical que dans le « son » produit, était perçu comme une faute, un écart presque impardonnable.

Ce phénomène, les Anglo-Saxons le désignent sous le terme « sophomore slump », qui peut grossièrement être traduit par « le marasme du deuxième album ». Concrètement, l’expression se rapporte au raté de la deuxième parution en comparaison avec un premier essai réussi, en raison des énormes attentes générées par le succès initial.

Dans le cas des Strokes, au regard du succès de Is This It, il va sans dire que Room on Fire était particulièrement attendu. Le second album syndrome (l’autre nom du sophomore slump) guettait le groupe. Il n’en sera rien. Ce deuxième album est absolument monstrueux et compile des titres aussi magnifiques tel que Reptilia, The End Has No End (qui a largement contribué à populariser le groupe en France par le biais d’une publicité EDF), Meet Me in the Bathroom, 12:51 ou You Talk Way Too Much et Between Love & Hate. L’ouverture annonce la couleur avec un What Ever Happened? en forme de complainte, tandis que des moments de douceur incomparable viennent jalonner l’album, avec Automatic Stop, mais surtout Under Control.

The Strokes - L’illustration d’album comme reflet de la musique – Épisode 2, Room on Fire - 2003
L’une des photos issues de la séance presse par Colin Lane pour la sortie de l’album – Crédits : Colin Lane

 

Une notoriété nouvelle

 

C’est une évidence, The Strokes ont changé de dimension. Tout n’avait pourtant pas démarré sous les meilleurs auspices. Nigel Godrich, producteur de Radiohead, est remercié après une collaboration infructueuse, marquée notamment par les dissensions avec Julian Casablancas. Le groupe se tourne alors à nouveau vers Gordon Raphael, producteur du premier album. L’enregistrement se fera en trois mois seulement et laissera pourtant la bande sur sa faim, de l’aveu de Nick Valensi.

Les New-Yorkais sont désormais trop célèbres pour se promener librement en ville dans le cadre d’une séance photo, à la recherche du spot idéal, comme ce fut le cas pour Is This It. C’est pourtant bien Colin Lane, ô combien impliqué dans la réussite visuelle du premier album, qui est à nouveau mandaté pour la séance presse, cette fois en studio, puis encore une fois sur un toit.

The Strokes - L’illustration d’album comme reflet de la musique – Épisode 2, Room on Fire - 2003
Une autre photo issue de la séance presse par Colin Lane, sur un toit cette fois – Crédits : Colin Lane

 

De la photo fortuite à la peinture à l’huile

 

Cette fois, Lane ne verra pas l’une de ses photos en couverture de l’album. Le choix se porte sur un détail de la peinture à l’huile War/Game (1961), par Peter Phillips, un artiste anglais se réclamant du mouvement pop art. Très influencé par l’Histoire américaine dans son travail, il a produit de nombreuses œuvres : peintures, collages, sculptures, morceaux d’architecture… L’œuvre d’origine, une création à base d’huile et de bois ciré sur toile, est aujourd’hui exposée à la Albright-Knox Gallery à Buffalo, dans l’état de New York. Elle s’avère être toujours terriblement d’actualité, évoquant la dualité de l’affrontement entre deux forces opposées, en l’occurrence la guerre de Sécession entre l’Union et la Confédération. Les pistolets, drapeaux et uniformes viennent garnir un tableau d’ensemble fait de contrastes entre noirceur et couleurs vives.

The Strokes - L’illustration d’album comme reflet de la musique – Épisode 2, Room on Fire - 2003
Le visuel original utilisé en partie par The Strokes pour Room on Fire – Crédits : Peter Phillips
 

Cette dichotomie éclatante trouve en Room on Fire un écho particulier. Julian Casablancas est au faîte de son influence sur le groupe, composant et écrivant seul l’intégralité des chansons, à l’exception de Automatic Stop, à laquelle s’est ajouté Albert Hammond Jr. Il n’est alors pas étonnant de retrouver des thèmes aussi variés que l’amour, la politique ou les pensées qui mènent à l’introspection, typiques chez le chanteur, dont les textes l’ont élevé au rang de poète moderne.

En filigrane, toujours, l’opposition entre deux concepts, qu’il s’agisse de guerre et paix ou de vérité et mensonge, parfaitement illustrée par Between Love & Hate. Le choix de War/Game se révèle particulièrement approprié, mettant en avant l’antagonisme entre ombre et lumière, comme si l’un ne pouvait exister sans l’autre. L’utilisation de la police Prisma, un choix du directeur artistique de RCA Brett Kilroe, apporte une touche visuelle rétro, cohérente avec l’univers de l’album.

Room on Fire, c’est l’album de la confirmation pour The Strokes. Là où tant d’autres ont buté sur l’écueil de la continuité, le groupe a su proposer onze titres grandioses, fruits du génie de Casablancas. Visuellement, si Is This It avait mis en avant une pochette opportuniste, ce deuxième album prouve que les New-Yorkais ne laissent rien au hasard, créant un univers graphique en accord avec leur musique.

Maxime Rouby
écrit le mardi 4 octobre 2022 par

Maxime Rouby

Rédacteur pour Janis, nouveau média 100% musique lancé par LiveTonight

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mis à jour le mardi 4 octobre 2022

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