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L’Histoire du rock - Épisode 1 - Les 60’s, début et fin de l’innocence

écrit par Simo Essouci le mardi 28 février 2023

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L’Histoire du rock - Épisode 1 - Les 60’s, début et fin de l’innocence


Pour résumer le rock, je dirais que c’est un croisement entre un cri de guerre et un chant de paix. Mais je peux aussi te faire une présentation plus détaillée de ce qu’est le rock, d’où il vient et comment il a évolué au fil des décennies. Tu vas suivre dans une série de six articles, l’évolution de ce mouvement musical. Symbole de rébellion et de contestation. Qui a su embraser l’âme de millions de personnes au fil des décennies et ça, sur les cinq continents. Ce qui n'est pas dégueulasse comme résultat... 

 

L’Histoire du rock - Épisode 1 - Les 60’s, début et fin de l’innocence
Jimi Hendrix en concert à Monterey, 1967
 

Le Rock est un courant artistique qui a de nombreux qualificatifs. Mais statique, n’en est pas un. C’est un genre qui a su évoluer, s’adapter au gré des progrès techniques, artistiques et culturels des sociétés occidentales, dont il est issu. De son apparition au cours des années 50, avec les premiers dissidents notoires comme Elvis Presley (Je dis bien notoire. Certains diraient qu’Elvis a tout copié auprès de la communauté afro- américaine, dissidente par essence. Mais c’est une histoire pour un autre jour). En passant par les Beatles bien sages comme il faut (Au début du moins. Avant que Bob Dylan ne les initie à la consommation de cannabis). À des icônes contemporaines et provocatrices à leur façon, comme Marylin Manson ou Harry Styles.

Pour comprendre le Rock, Le Punk, Le Hard rock, le Heavy Metal, Le Glam rock, la New Wave, le Grunge et tout le reste, il faut comprendre comment toutes ces innovations sont liées les unes aux autres. Mais aussi, la façon dont elles s’insèrent dans un contexte social, économique et politique, qui va caractériser chaque époque, chaque style.

Le contraste entre l’aspect lisse et aseptisé des crooners américains des années 50 et la musique des bluesmen afro-américains, est détonnant. L’Amérique est divisée en deux. Les blancs d’un côté et les noirs de l’autre. Ces derniers subissent de plein fouet le racisme et la ségrégation. Le blues est né parmi une population qui subit cette oppression. Un genre de complainte, proche de celle des chants d’esclaves américains. 

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Fontaines séparées pour les blancs et les noirs, Caroline du nord, 1950.

 

Voilà le topo général. Mais pour parler de rock, il faut parler de deux pays essentiels. Les Etats-Unis et l’Angleterre (la France et l’Allemagne vont jouer un rôle dans cette affaire, mais moins important. Ce sera une histoire pour un autre jour aussi). Ces deux pays vont symboliser deux visions et évolutions de la société occidentale, qui vont transparaitre à travers différents courants artistiques dont la musique. 

Le début des années 60 en Angleterre, est marqué par la première génération après la Seconde Guerre mondiale. La reconstruction du pays et la rigueur qu’il impose, rendent la vie des classes populaires très difficile. Dans les quartiers des grandes villes, Londres, Liverpool, Newcastle, un courant de contestation voit le jour. Ces jeunes, lassés par leurs conditions de vie précaires, vont trouver dans la musique des bluesmen américains, un élan de contestation et de souffrance qui reflète les leurs. De plus, à la différence de la jeunesse américaine, le fait d’écouter de la musique d’artistes noirs américains, n’est pas un acte politique en soi. L’exploitation des noirs et les conflits raciaux aux Etats-Unis, sont des problématiques très éloignées. Des albums d’artistes comme Muddy Waters, John Lee Hooker et Howlin Wolf traversent l’Atlantique et sont baladés sous les bras, de maison en maison. 

En plus d’être une musique qui prend aux tripes, le blues est assez facile à jouer. Ce qui est un avantage, surtout pour une partie de la population qui n’a pas les moyens de s’offrir des cours de guitare. Le blues à l’anglaise, permet aussi d’adoucir la rigueur suivie par le pays après la Seconde Guerre mondiale. De nombreux groupes apparaissent un peu partout en Angleterre. En 1962, le hasard va faire se rencontrer deux adolescents : Keith Richards et Mick Jagger. Ils nouent aussitôt une amitié basée autour de leur amour du blues. Allant jusqu’à nommer leur groupe, d’après une chanson de Muddy Waters “rollin’ stone”, qui donnera -si tu n’as pas suivi- son nom au groupe : les Rolling Stones. 

A Londres, plusieurs clubs anonymes se créent, autour de cet amour naissant du blues. L’un des plus célèbres est le Crawdaddy club crée en 1963. En hommage à Bo Diddley et son morceau rock “doing the craw-daddy”. Bo Diddley symbolise aux Etats-Unis, la transition entre le blues et le rock’n roll. Ce club portera un nom, très à propos. Dont l’écho à l’échelle du monde et de la scène internationale est insoupçonnable à ce moment-là.

Les Rolling Stones menés par Brian Jones et Mick Jagger, y font leurs dents sur scènes. Mais de nombreux musiciens de talent y passent, comme Eric Clapton qui va joindre les Yardbirds avec le batteur Ginger Baker. Le groupe commence à se forger une belle réputation et à attirer de plus en plus de monde. Ce qui plaisait, c’était leur côté brut et un peu bad boy, qui attirait un large public, principalement féminin. 

Leur succès grandissant, leur ouvre les portes des plateaux télé sur lesquels ils font des représentations et invitent assez rapidement les artistes qui les inspiraient. Comme Howling Woolf, John Lee Hooker et Muddy Waters. Cela va catapulter les rolling Stones dans le haut des charts anglais. Avec des records de ventes d’albums égalés (et dépassés, il faut dire) seulement par les Beatles. Mais c’est surtout à partir du moment où ils ont commencé à écrire leurs propres chansons qu’ils rencontrent un franc succès. The last time est la première chanson originale, écrite, composée et jouée par les Stones. 

 

Leurs paroles abordent des thèmes qui touchent la jeunesse anglaise et qui leur parlent. En parlant de liberté, d’amour et de sexe. Le tube Satisfaction, va accroître leur légitimité en tant que compositeurs solides. Ils ont eu le génie de mélanger tout ce qui faisait le blues, avec l’insolence qui leur était propre. Plus ils allaient loin, plus le public adorerait. Voilà la recette qui contribue au succès du rock. En un mot, de l’audace.

L’absence du groupe au Crawdaddy club, laisse la place aux Yardbirds, qui vont se faire un nom, surtout grace à leur guitariste de génie, Eric clapton. Qui devient respecté et considéré rapidement comme le dieu du rock en Angleterre. C’est pas moi qui le dis, c’est marqué là.

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Graffiti datant des années 60, Islongton, dans la banlieue de Londres
 

Le sillon tracé par les Stones, donne place à d’autres pensionnaires du crawdaddy club, les Kinks, mais aussi The Who, qui vont s’en inspirer. Ils vont pousser le rock naissant encore plus loin. En termes de paroles choc, “je veux mourir avant de devenir vieux”, dans My generation. Mais aussi en repoussant les limites de leurs instruments et apporter de nouveaux sons à leurs guitares et leurs batteries. Beaucoup d’équipements furent maltraités pendant ces essaies. Allant jusqu’à lacérer à coup de rasoirs leurs haut-parleurs, pour obtenir des sons saturés et rocailleux. 

Pete Townshend, le guitariste des who, va se servir du feedback du son de sa guitare, pour amplifier ses notes. Les membres du groupe mélangent tout. Des ingrédients du blues, aux revendications et évolutions de la société anglaise du milieu des années 60. Incorporant des éléments du courant pop-art dans leur iconographie, allant des vêtements, pochettes d’albums, aux paroles. Ils vont écumer les salles de Londres, avant de prendre d’assaut les fesivals d’été en Amérique.

The animals sont un autre exemple de groupes anglais qui vont envahir les ondes, d’abord anglaises puis américaine. Avec leur titre emblématique et pur blues The house of the rising sun. Inspirée de chants traditionnels de la Nouvelle Orléans, parlant des bordels des quartiers malfamés. Cette chanson a eu un tel succès, qu’elle fut repris par Johnny Hallyday et sa chanson, Les portes du pénitencier.

Ils ont entendu pour la première fois cette chanson, alors qu’elle fut reprise par le chanteur folk Bob Dylan. Qui lui-même commence à s’éloigner du folk et à suivre l’évolution de ce mouvement rock. Ce qui lui a valu la colère de ses fans qui lui reprochent sa traîtrise. L’accusant de vouloir ressembler aux Beatles et au Rolling Stones. Ce tournant est marqué par sa chanson Like a Rolling Stone. Mélange de folk et de rock, assaisonné de parfum de la révolution sociale et politique à venir aux Etats-Unis et en Europe. 

Le rock va évoluer à partir de 1966 en gagnant ses lettres de noblesse. Allant jusqu’à devenir une vraie force politique et artistique. Il faut dire que ces musiciens, pour la plupart très amateurs à leur début, se professionnalisent. Ils sont tous à la recherche de nouveaux angles à explorer et ne se contentent plus de faire des reprises de blues. Le rock évolue vers une forme d’art sophistiquée, mélange de musique, de peinture, de photographie. Le tout vu par le prisme d’une société en pleine transformation elle aussi. Le parallèle entre le rock et la société européenne et américaine est à prendre en compte.

L’Histoire du rock - Épisode 1 - Les 60’s, début et fin de l’innocence
Affiche de 1967, pour le concert de plusieurs groupes dont les Yardbirds 
 

Aux Etats-Unis, le Blues a une connotation bien plus politique. Elle est le marqueur binaire de la séparation des Américains blanc et noir. Les blancs en moyenne de classes sociales plus aisées, écoutent principalement jusqu’à la fin des années 50 des crooners lisses et bien comme il faut. Un prototype de gendre parfait, produit en série, prêt à être présenté à ses parents. Mais la jeunesse d’après-guerre s’en lasse assez rapidement. En parallèle de groupes anglais qui prennent d’assaut les Etats-Unis, des groupes de jeunes blancs se créent un peu partout en Amérique, mais surtout dans le sud, gros bastion du blues. Ainsi que les grosses villes comme New-York et San Francisco. Le message est également politique, mais s’exprime de façon bien moins agressive que chez les cousins anglais. Le milieu des années 60, voit naître ce qui deviendra le mouvement “peace and love”, porté par un large éventail d’artistes et penseurs. Une des têtes de proue de ce courant musical, sont The Mamas & The Papas, suivis par des artistes comme Janis Joplin (aucun lien avec ce site internet), Les Jefferson Airplane ou encore les Grateful Dead. 

Ces deux faces d’une même pièce, se croisent parfois lors de festivals, principalement aux Etats-Unis. La différence entre les deux donne des ambiances explosives, tout en mélodie. Beau cocktail. Les festivals les plus emblématiques étant celui de Monterey en 1967 et de Woodstock en 1969.

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Jimi Hendrix sur scène, Festival de Monterey, 1967.

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Logo du festival de woodstock de 1969.

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Femme dans le public du festival de Woodstock, 1969.
 

Mais cet élan, lancé par le blues, va subir plusieurs changements qui donneront naissance à différents courants du rock. Clapton est la cristallisation de ce phénomène. Il s’identifie aux guitaristes du blues. Un homme seul avec sa guitare. A tel point qu’il va contribuer à la naissance du mythe du guitar hero, concurrencé plus tard par Jimi Hendrix et d’autres guitaristes. Mais Clapton, gêné par la tournure commerciale que certains groupes suivent, dont le sien va quitter les Yardbirds après l’enregistrement du titre For Your Love. Le groupe s’éloignait des racines du blues et de sa gravité. La tendance à la légèreté et aux tubes “faciles”, n’est pas pour lui visiblement. 

Clapton va former avec deux musiciens de jazz, Ginger Baker et le bassiste Jack Bruce, le groupe “C.R.E.A.M”. Car ils se considèrent comme “la crème de la crème”. Effectivement, sans vouloir faire de l’ombre aux Stones et autres Beatles, mais ces musiciens sont techniquement bien au-dessus des autres. Ce qui causera la fin du groupe, ce sont ses membres eux-mêmes. Chacun ayant des inspirations qui dépassent les carcans du simple groupe. Ils vont se séparer en 68, deux ans après leur formation, mais pas avant d’avoir enregistré quatre albums de génie. 

Cependant, cette euphorie et élan créatif commencent à se faire remarquer et à un peu trop faire entendre parler d’eux. Le paradoxe est que malgré le très haut nombre d’albums vendus par ces groupes, ils sont très peu diffusés sur les ondes de radio en Angleterre. La faute à une politique de censure imposée par le Parlement, qui voit en ce mouvement, l’expression de la frustration de tout une tranche de la population. Pour essayer de l’étouffer, il va censurer une bonne partie des artistes à partir de 1965. Ce qui va pousser la création de radios pirate, qui vont émettre à partir de bateaux encrés en zones internationales. Cela va entraîner de longs conflits juridiques qui dureront pendant des années. Une des radios les plus célèbres est le “radio caroline”, qui cessa d’émettre en 1990. Le film Good Morning England est en grande partie inspirée de l’histoire de ce bateau-radio. D’ailleurs, cette censure va encourager les groupes à adopter les mêmes astuces que les chanteurs de blues. Qui avaient pour habitude de faire des sous-entendus dans leurs paroles pour exprimer des idées sexuelles. À retrouver ici

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Le “Radio Caroline” en 1964
 

Les Who critiquent cet aspect commercial à travers leur album Sell Out, qui veut dire “vendu” (je traduis pour les deux du fond, qui faisaient la sieste en cours d’anglais). La pochette même de l’album est une parodie des musiciens qui cherchent à se faire de l’argent facile en reniant ce qui a fait la force du rock, à sa naissance. 

La répression se veut politique, mais elle est aussi physique. Les policiers américains, étaient encouragés à “casser du hippie”, pour étouffer ce mouvement. Ainsi que des phrases toutes faites qui circulent, comme “ces hippies aux cheveux longs et aux idées courtes”. Tout est bon pour décrédibiliser ces trouble-fête.

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Mouvements anti-guerre du Vietnam en 1967
 

Cette innocence va s’effondrer au tournant des années 70, lors du dernier “summer of love”de 1969. La guerre du Vietnam fait rage et ses opposants sillonnent les rues. La présidence de Nixon, est tout sauf un long fleuve tranquille. Le pays va entrer dans une longue période de crise économique qui va exacerber les tensions sociales.

L’image du rock s’en voit changée. C’est la fin de l’innocence. En quatre mots, la fête est finie. Qu’à cela ne tienne. Les canailles du rock ne vont pas s’arrêter là. Les limites du rock sont peut-être atteintes, mais la nouvelle garde a les dents encore plus longues que la précédente. Un cocktail encore plus explosif (et encore moins docile) va prendre la relève. Et quelle relève. ça va secouer sec. “Lock up your daughters” comme diraient les membres d’un certain groupe australien, qui va faire beaucoup, beaucoup de bruit....

Simo Essouci
écrit le mardi 28 février 2023 par

Simo Essouci

Rédacteur pour Janis, nouveau média 100% musique lancé par LiveTonight

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mis à jour le mardi 28 février 2023

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