Culte

(Ré)imaginons John Lennon 

écrit par Georges Hein le mardi 9 novembre 2021

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(Ré)imaginons John Lennon 

« John Lennon », ce nom est une œuvre d’art à lui seul. Lorsqu’on évoque ces deux mots, l’esprit commun pense au mouvement pacifiste du chanteur durant la guerre du Vietnam, à un gars tout nu avec sa femme, à des lunettes rondes perchées sur le bout d’un nez pointu ou simplement au titre Imagine. Depuis 41 ans, le nom du fondateur des Beatles n’évoque rien d’autre que l’admiration de tous. Mais voilà une question : apprécie-t-on Lennon pour son art ou pour l’image qu’on en a construit ? 

(Ré)imaginons John Lennon 
 

« Plus ultra ! »


Une anecdote rend compte des prouesses hors normes qu’il peut accomplir. Il est enrhumé lors de l'enregistrement de l'album Please Please Me. Le groupe jouera douze heures d’affilée dans le studio. Tout ce temps, Lennon préserve sa voix sans altérer le son identitaire de celle-ci et finira par hurler sur Twist and Shout, tout en étant conscient des dégâts importants qu’il va causer à ses cordes vocales. 

L’album le plus célèbre de Lennon reste encore aujourd’hui Imagine. Il ne fera pas que passer la postérité avec cette proposition. Il traversera plusieurs générations et influencera le monde jusqu’à nos jours. Imagine devient le symbole d’un tout social et sociétal. Figure de l’esprit commun et individuel, le chanteur se voit être désincarné par le grand nombre pour se faire ériger au statut de héro des temps modernes. 

(Ré)imaginons John Lennon 

À juste titre, puisque cet album est la quintessence de sa musique. Brillamment équilibré entre la pop mélancolique et rock des Beatles, et le style punk-garage et décomplexé de Lennon ; les 39 min de son deuxième album marquent l’histoire musicale et humaine. Pourtant, avant  ça, il y a un premier album intitulé Plastic Ono Band, qui fut écrasé par le poids de Imagine. Et qu’aujourd’hui il faut remettre à la place qu’il mérite : l’un des albums les plus influents qui fut créé par le premier super héros de l’humanité !

En 2002, un sondage de la BBC le classe 5ᵉ des « 100 plus grands héros britanniques ». Le magazine Rolling Stone classe Lennon 38ᵉ « plus grand artiste de tous les temps ». Ses deux premiers opus figurent parmi les 500 plus grands albums de tous les temps. Enfin, Lennon  figure depuis 1987 au Songwriters Hall of Fames, et depuis 1994, au Rock and Roll Hall of Fames. Celui qui est à l’origine des Beatles n’est pas qu’un artiste qu’on suit au loin et qui inspire. John Lennon devient progressivement quelque chose de plus, de plus grand, de plus  immatériel : il devient une idée. 

 

« Un lundi soir… » 


À quel moment la frontière entre artiste et personne se brise-t-elle ? Qu’est-ce qui change le statut d’un chanteur ou d’un gars qui compose dans sa chambre ? La musique transcendant le corps et l’âme de celui qui écoute, autant que de celui qui joue. Lorsque tout s’aligne, elle  donne la possibilité de voir au-delà de nos conditions tragiques. Avec son premier album, le liverpuldien ne chante pas, il propose sa conception du monde. Il évoque une idée  fondamentale : celle du réel qu’on oublie parfois. 

Après des décennies de succès avec sa bande, le guitariste devient une inspiration pour une foule fourmillante en recherche d’un renouveau. Au cœur du mouvement hippie, dans la tourmente de la guerre du Vietnam, dans l’incertitude de la guerre froide et tout juste sortie de la deuxième grande guerre… Le monde et l’Homme ont besoin d’avenir. Pour cela, l’inconscient collectif va se mouvoir dans une idée commune. Cette « idée » va s’incarner par les cheveux longs et la barbe hirsute d’un certain John Winston Ono Lennon.

(Ré)imaginons John Lennon 

L’anglais évoque ses jalousies, ses manifestations de rages violentes envers les hommes et les femmes, son rapport destructeur et façonnant à la drogue, il demande pardon, se pardonne et fait confiance au futur malgré les dérives infernales du présent. Celui qui a d’abord appris à jouer de l’harmonica nous rattache au réel en dévoilant aux yeux de tous qu’il n’est qu’un être humain. Avec son premier opus solo, il parle à l’âme de chacun de nous. Il inspire le monde parce qu’il se place à la hauteur de celui-ci pour le hisser à nouveau sur ses deux pieds et avancer avec lui. Il devient une idée à l’horizon qui pousse à se mouvoir malgré les obstacles. Nous nous sentons alors proches de lui, ses erreurs et ses fautes nous déçoivent, nous blessent et nous heurtent. Au point qu’un lundi soir plus particulier que les autres, l’un de nous ira jusqu’à le tuer à 22 h 45 à côté de Central Park. 

 

« Aujourd’hui c’est hier »


Depuis plusieurs lignes maintenant, on évoque un artiste hors normes sans parler de sa musique. Ce paradoxe a sa raison dans ce que celui-ci est devenu depuis sa mort. Figure de la pop culture, de l’art, de la politique, du social, de l’écologie et de tous les mouvements d’un mieux vivre ; le mari de Yoko Ono ne trouve plus sa place d’origine que fut celle de la musique. Pourtant, voilà bien le seul et unique moyen qu’il avait de s’exprimer. Homme de peu de mot, il était surtout une personne qui ne savait pas comment parler aux autres ; alors il chantait. 

Plastic Ono Band traduit une folk douce et électrisante, un rock garage et sensible. Une voix rassurante et enragée. Des messages d’amour et d’accusation. De sons clairs et saturés. Autrement dit, un éternel paradoxe entre le passé et le futur. Il chante et hurle l’instant avec ses contrastes. Le présent n’a rien de stable, c’est une lutte permanente entre hier et demain. Lennon ne fait qu’évoquer cet état de fait pour tenter de trouver ensemble un moyen de stabiliser nos vies de tous les jours. Il ne donne aucune solution, il ouvre son journal intime et nous laisse lire ses pensées, ses sentiments et ses émotions.

(Ré)imaginons John Lennon 

Sa musique fait preuve d’une telle diversité dans les sons des années seventies et des sons modernes qu’on la retrouve chez de nombreux groupes aujourd’hui encore ; comme par exemple Oasis, Black Keys, Ty Segall, The Strokes ou Cage the Elephant. Artistiquement, il était un explorateur qui cherchait dans les sons de nouveaux mondes. Il est, à mon sens, regrettable qu’on retienne de John Lennon plus les quelques idées véhiculées par des médias friands de scandales que son travail. Dans le cas de Lennon, il est intéressant de se questionner sur ce qu’est l’industrie musicale aujourd’hui. Car en définitive, c’est elle qui après quatre décennies maintient une idée que nous avons construit dans le temps du compositeur. Il tient à cette industrie de promouvoir peut-être davantage ce qui compte véritablement pour un musicien : sa musique. 

John Lennon n’était ni un héros, ni une idée. Il était un homme qui avait trouvé sa voix dans l’art de composer des chansons. Si Imagine est un joli titre, ça n’est pas là l’essence de son œuvre. L’intensité de son premier album, par ce besoin manifeste de se réincarner avec lui-même, semble bien plus passionnante, car c’est, à mon avis, tellement beau de voir un Homme (re)devenir lui-même. 

 
 
(Ré)imaginons John Lennon 

 

Georges Hein
écrit le mardi 9 novembre 2021 par

Georges Hein

Rédacteur pour Janis, nouveau média 100% musique lancé par LiveTonight

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