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Fantaisie Militaire : Le Paroxysme de Bashung, par Bashung, pour Bashung 

écrit par Hugo Tannier le jeudi 6 janvier 2022

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Fantaisie Militaire : Le Paroxysme de Bashung, par Bashung, pour Bashung 

 

En 1995 Alain Bashung est en plein milieu de la tournée Chatterton afin de promouvoir l’album éponyme. La vie sur la route est épuisante, chaotique et le chanteur est de plus en plus soumis aux visites éreintantes de ses anciens démons alcooliques. Une fois la tournée achevée, Bashung rentre à son domicile de Crespière, un petit village paisible dans la plaine de Versailles où il vit avec Chantal, sa femme et Arthur, son fils âgé de 13 ans. Mais la tournée, tout juste terminée, n’a pas laissé le chanteur indemne. Alain Bashung est déprimé, ne sort presque plus de sa chambre, ne mange quasiment plus; Chantal est désemparée. Elle ne sait plus quoi faire, se sent impuissante. Alors, un soir, après une énième dispute, elle appelle le meilleur ami d’Alain, Jean Fauque. Ce dernier le convainc de quitter Crespière et d’aller passer quelque temps dans une maison de repos à Meudon. Le chanteur pose donc ses valises dans la petite ville des Haut-de-Seine ... 

 Fantaisie Militaire : Le Paroxysme de Bashung, par Bashung, pour Bashung 

Fauque lui rend régulièrement visite et durant les longues heures de promenade dans les jardins du "Pavillon des Lauriers” les deux hommes commencent à considérer l’idée de travailler sur un nouvel album. La rupture avec Chantal inéluctable et bientôt officielle frappe Bashung à sa sortie du “Pavillon des Lauriers”. Il s’installe donc à l’été 96 dans un deux pièces rue Piat à Belleville. La vente de la maison, le déménagement, tout est arrivé très vite et Bashung n’a pas trouvé le logement qu’il voulait, un grand appartement surplombant Paris, ville que le chanteur a quitté dix ans auparavant. Rue Piat la vue est bouchée, l’appartement n’est pas lumineux et le quartier est assez mal famé. Beaucoup de règlements de compte, de deals et de bagarres ont lieu en bas de chez lui à tel point qu’il a parfois peur de rentrer ou de sortir de son immeuble. C’est dans cet appartement à l’occasion de rencontres régulières entre les deux hommes, que Fantaisie Militaire voit ses contours lentement sculptés par les mains perdues de Bashung et celles consolantes de Fauque.

 

Les séances d’écriture : 

 

Alain et Jean qui se connaissent depuis plus de 20 ans - en 1989, Fauque devient le parolier attitré de Bashung en travaillant avec lui sur l’album Novice - se retrouvent deux fois par semaine, de 15h à 19h dans le deux pièces de Belleville. Fauque apporte une dizaine de pages de textes, récents ou non. Il est devant son ordinateur pendant que Bashung, sur son petit cahier d’écolier, griffonne, assemble, rature, triture des phrases, des mots, des syllabes que Fauque extrait de ses textes. Bashung ne veut entamer la production du disque qu’une fois tous les textes aboutis. Ainsi, les mélodies serviront les textes et non l’inverse. A l’instar de Bob Dylan, ils écriront des centaines de pages de poésie, de phrases pour au final ne garder que les douze textes de Fantaisie Militaire. Bashung cherchera avant tout à faire sonner les mots plus que de s’attarder sur ce qu’ils veulent dire. Il pioche dans la masse linguistique que Fauque produit pour travailler l’album à la manière d’un collage en greffant une phrase dans un texte, un paragraphe dans un autre paragraphe. L’implicite et le son des mots plus que leur sens seront les fils rouges de ces séances d’écriture. Un personnage rythme, adoube et valide les trouvailles des deux autres : Serge Gainsbourg. Quand Fauque et Bashung pensent avoir trouver un mot, une phrase, un contexte ou même un texte qui sonne bien, Alain demande en regardant le ciel : "Ça va Lucien, tu es content de nous ?" et Fauque rétorque en imitant Gainsbourg : "Pas mal les petits gars, continuez". Pendant ces longues heures à jouer avec les mots, des idées d’arrangements ou de mélodies naissent dans l'esprit de Bashung. Il tape du pied, fredonne discrètement en relisant une phrase. Ce n’est qu’une fois que les deux hommes estiment un texte terminé que Bashung étale les feuilles noircies devant lui, attrape sa guitare ou lance un métronome et en interprète la poésie. 

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Alain Bashung et Jean Fauque 

 

Une productrice, une faiseuse de miracle, une amie :

 

Quand Barclay, la maison de disques de toujours de Bashung, apprend que le chanteur travaille sur son prochain album, elle cherche donc quelqu’un capable d’en gérer la production. Le label se tourne donc vers une femme, Anne Lamy. Cette dernière a à peine 30 ans mais malgré son jeune âge, elle a déjà une belle renommée principalement dans la sphère hip-hop. Lamy doit rencontrer Bashung chez lui, rue Piat. En se dirigeant vers Belleville, elle commence à douter, se demandant ce qu’elle va bien pouvoir apporter à un artiste aussi accompli qu’Alain Bashung. Nous sommes donc en octobre 96 et Lamy découvre un homme aux antipodes de ce qu’elle s’était imaginée. Il vit dans un petit deux pièces en plein Belleville, les murs sont recouverts de posters d’indiens, de westerns. Bashung est perdu et elle s’en rend compte. En repartant, elle comprend que le plus gros et la partie la plus importante de sa production sera d’entourer le chanteur correctement, de le protéger, de créer une bulle rassurante autour de lui. Le choix d’un studio résidentiel apparaît donc comme évident. 

La première demande que Bashung fera à Anne sera de lui trouver “des bidouilleurs”. Des gens qui utilisent les technologies musicales naissantes, qui triturent la matière sonore, la rythmique et la mélodie comme jamais cela n’a été fait. Bon nombre de ces "bidouilleurs” ne verront pas la collaboration aller plus loin car humainement ça ne collera pas entre eux. En effet le chanteur privilégie toujours l’humain sur l’artistique, aussi bons puisse-t-il être. 

 

Les Bidouilleurs : 

 

Bashung, par le biais de Lamy cherche désormais ces fameux “bidouilleurs” comme il se plaît à les appeler, ce qui n’empêche pas le chanteur d’en contacter certains lui-même, c’est le cas du producteur belge Jean-Marc Lederman. En plus d’être producteur, il est également et surtout claviériste du groupe The Weatherman qu’il fonde en 1985. Pendant la pré-production de l’album Chatterton (1994) Bashung cherchait déjà des spécialistes de samplers ou de synthétiseurs en tout genre. Barclay lui avait proposé de rencontrer Lederman. Le courant était bien passé et le chanteur avait capté le talent et le potentiel de l’artiste belge. Ce dernier officiera donc largement sur les morceaux de Chatterton. Bashung appelle donc Lederman et lui demande s' il serait intéressé de travailler à nouveau avec lui, Lederman est ravi de la proposition et accepte. Le chanteur lui demande de composer pour lui des ambiances, des climats de deux minutes maximum. Dans les jours qui suivent, Lederman se met au travail. Une fois une petite dizaine de maquettes achevées, il les envoient rue Piat en inscrivant sur l’enveloppe le nom de code que Bashung lui a demandé d’utiliser : Monsieur Jean. Une petite semaine passe, Bashung contacte Lederman lui disant qu’il a particulièrement aimé cinq des démos et lui demande s’il lui est possible d’en faire des versions longues : Lederman accepte. Sur Fantaisie Militaire, seul le morceau Ode à la vie résulte du travail de Lederman.

Durant l’été 96, Bashung confie à son vieil ami Richard Mortier qu’il travaille sur un nouvel album. Il lui propose de créer des boucles purement rythmiques pour que le chanteur essaye de poser dessus les textes écrits avec Fauque. Mortier était le guitariste rythmique de Bashung pour le Live tour 85 et le Novice Tour. Avant celà les guitares rythmiques étaient assurées par le chanteur lui-même; il cherchait à déléguer cette tâche pour se concentrer sur sa performance vocale et scénique. La rencontre des deux hommes se fait en 85 quand Bashung cherche un guitariste pour enregistrer une reprise du standard populaire américain Hey Joe rendu célèbre par Jimi Hendrix en 1967. Le courant passe bien et Bashung lui avait donc proposé d'occuper cette fonction rythmique sur scène. Mortier travaille toutes les nuits et, deux matins par semaine, se rend chez Bashung avec le journal et des petits gâteaux afin de lui faire écouter son travail nocturne. Alain joue de la guitare et chante sur les boucles concoctées par Mortier et ce sont ces expérimentations matinales qui berceront les premières vraies versions des morceaux de Fantaisie Militaire.

Un jour de 96, Barclay présente à Bashung, Matthieu Ballet. Pour stimuler sa créativité et son inspiration, le chanteur a besoin de quelqu’un capable de créer des lignes mélodiques ou rythmiques et de jouer avec la matière sonore de ces créations. Ballet est le spécialiste français du trip-hop anglais. Les deux hommes n’habitent pas loin l’un de l’autre; ainsi ils se retrouvent régulièrement dans le home-studio de Matthieu. Bashung expérimente la pose de sa voix sur les boucles planantes et électroniques confectionnées par Ballet. Au final très peu de la matière née de ces rencontres se retrouvera sur le disque mais les expérimentations de Ballet auront dessinées dans un coin de l’esprit du chanteur les contours, les arêtes et les angles des ambiances que Bashung achèvera sur Fantaisie Militaire. 

Bashung appelle régulièrement Anne pour se tenir informé de sa quête de “bidouilleurs”. Durant l’un de ces appels cette dernière amène le nom de Jean-Louis Piérot dans la conversation. Bashung apprenant que Piérot a travaillé avec Daho, Daniel Darc ou encore Brigitte Fontaine demande immédiatement à Anne d’organiser une rencontre. Quelques jours plus tard, les deux hommes déjeunent ensemble dans un restaurant du 10ème arrondissement. Ils parlent évidemment de musique. Piérot est impressionné par la culture musicale de Bashung. Les deux sont fans inconditionnels du disque Spirit of Eden du groupe britannique Talk Talk et Bashung lui confie son admiration pour le chanteur et guitariste de country américain Hank Williams. A la fin du repas, Bashung confie à Piérot une cassette DAT contenant des ébauches de chansons sur lesquelles il lui demande de travailler. Piérot souhaite connaître la direction artistique qu'il doit emprunter et Bashung lui rétorque : “Oublie que c’est pour moi, n’essaye pas de me séduire. Trahis-moi.”. Piérot sourit et lui demande s' il peut travailler sur ces maquettes avec Edith Fambuena, l’autre moitié de leur groupe Les Valentins. Bashung accepte. Piérot part s’installer dans la maison de son frère près d’Aix-en-Provence pour travailler les chansons confiées par Bashung.

Après quelques semaines, il envoie au chanteur les morceaux enrichis. Ce dernier l'appelle quelques jours plus tard et lui dit qu’il a beaucoup aimé certaines choses, que ça mérite encore du travail mais qu’il a beaucoup aimé. Bashung et Edith rejoignent Jean-Louis dans la bâtisse méridionale pour quelques jours. Les Valentins vont découvrir le Bashung insomniaque et son rythme de vie. Il passe le plus clair de ses journées terré dans la cuisine et écoutant d’une oreille attentive la musique que créent Edith et Jean-Louis dans la pièce d’à côté. Bashung valide des idées ou au contraire en rejette d’autres toujours de manière polie et discrète. Les Valentins ne le savent pas encore mais ils vont vivre bien longtemps avec ce rythme de vie et ce Bashung intime.                      

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 Jean-Louis Piérot et Edith Fambuena, Les Valentins 


 

Studio Antenna, Paris : 

 

Pour la pré-production du disque, Bashung ne veut pas s’éloigner de la capitale et a donc demandé à Anne de trouver un studio résidentiel dans Paris. Elle en a visité un certain nombre mais aucun, pense-t-elle, ne conviendrait à Bashung. C’est alors qu’elle repense à un endroit qu’elle connaît bien car elle y a conduit de nombreux enregistrements de hip-hop : Le Studio Antenna du 18eme arrondissement. C’est en discutant avec Bernard Grimaldi, le chef des lieux, que ce dernier lui propose de mettre à sa disposition l'entièreté de l’immeuble afin de transformer Antenna en un studio résidentiel au cœur de Paris. A ce moment là, Bashung est de plus en plus mal à l’aise et perdu dans sa vie personnelle. Fantaisie Militaire, sa conception et toutes les réflexions qui y sont attachées seront ses bouées de sauvetage empêchant son esprit de se noyer dans son mal-être. 

Sa technique de couper, coller, interchanger, étirer les mots, Bashung aimerait la transposer et l'appliquer à la manière de concevoir la musique pour le disque. Pour y parvenir, il veut utiliser le nouveau-né de la technologie musicale, Pro Tools. Il a compris que, associé à l’informatique, le son pouvait devenir littéralement ce qu’on voulait en faire, sans aucune limite. Mais évidemment Bashung ne va pas se servir seul du logiciel, premièrement il n’a pas la moindre idée de son fonctionnement et deuxièmement il ne peut surtout pas se concentrer là-dessus en plus de son travail d’écriture et d'interprétation. Il veut donc que quelqu’un soit là, à longueur de temps pour s’occuper de Pro-Tools et ce sera Jean Lamoot, un ingénieur du son et spécialiste du logiciel. Nous sommes à la fin des années 90 et de ce fait, les stations Pro-Tools, comme beaucoup d’appareils informatiques, sont relativement capricieuses. Ils plantent régulièrement, il faut donc souvent sauvegarder le travail accompli sur des disques externes de faible capacité. Il faut aussi composer avec la vitesse parfois, souvent, toujours très contestable des engins. La gestion de Pro-Tools à cette époque est donc un travail à plein temps. Dans les premiers jours à Antenna, au printemps 97, Pro-Tools ne démarre pas ce qui énerve Bashung, ce dernier ne voulant pas être tributaire de la technologie dans l’avancée du processus de création. Mais il comprend vite l’infinité de possibilité que Pro-Tools lui offre et apprend à vivre avec les caprices des processeurs. Fantaisie Militaire sera l’un des tout premiers disques français à avoir intégré Pro-Tools et surtout à lui avoir laissé une grande place dans sa production. L’album aurait été radicalement différent s'il avait été produit sans le logiciel. 

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L’immeuble d’Antenna est très grand, une bonne partie de l’équipe s’y installe donc. Collée au studio où Jean Lamoot a posé sa station, il y a la cuisine. A l’instar du séjour dans la maison d’Aix-en-Provence, Bashung fait de la cuisine son QG. En effet, les cuisines comme dans tout foyer, sont souvent des endroits de rencontres, l’endroit où il est le plus probable de croiser tous les résidents. De plus, à Antenna la cuisine est aussi un point stratégique; de là, il est possible d’entendre ce qu’il se passe dans à peu près toutes les pièces et donc de garder une oreille discrète sur ce qui se trame musicalement et socialement dans cet écosystème naissant. Dans la cuisine, Bashung, quand il est seul, passe son temps à lire des livres, des journaux, boire du café et fumer des cigarettes. Juste au-dessus du studio Pro-Tools, on trouve le loft où s’est installé Richard Mortier et au-dessus de la cuisine, la pièce de travail des Valentins. 

Tous les arrangements de Mortier et des Valentins sont transférés sur Pro-Tools pour que Lamoot puisse travailler dessus. Chacun travaille donc de son côté et tout le monde ne se retrouve qu’au moment du dîner. Bashung a enregistré ses voix témoins; toutes les expérimentations instrumentales qui auront donc lieu par la suite tourneront autour de ces voix témoins. Bashung n’est jamais dans aucun des trois studios, de son poste de commandement dans la cuisine, faussement occupé à lire, fumer ou boire, il analyse toute la musique qu’il lui parvient d’en haut, d’en face ou d'à côté. Quand il entend quelque chose qui lui plaît il va le faire savoir, ou quand au contraire quelque chose qui lui déplait atteint ses oreilles il va également en informer ses collaborateurs, toujours avec tact. Jean Lamoot est un peu le lien entre Mortier et Les Valentins, missionné par Bashung pour mélanger des idées. Pour une même composition, il prend les idées musicales d’un refrain d’un morceau A, les idées pour le couplet d’un morceau B pour en faire un morceau C; toujours dans cette dynamique de collage, de coupe et d’assemblage. Tout le monde se retrouve au studio en début d’après-midi à l'exception de Bashung qui ne fait son apparition qu’en début de soirée. Le seul moment où tout le monde se retrouve c’est pour le dîner. Alain, Jean, Richard, Jean-Louis et Edith sont les piliers de la famille Antenna mais Jean Fauque vient souvent souper avec l’équipe afin de rester au courant de la façon Bashung et les autres digèrent les textes écrits par Alain et lui quelques mois auparavant. 

Anne Lamy est très occupée. Elle produit en parallèle huit autres albums mais fait son possible pour passer le plus souvent possible dans les studios du 18eme. Au dîner se joignent également Nicolas, assistant à Antenna et Pierre, le chef cuisinier qui se verra surnommé “Le Duc de Guise” par Bashung, surnom dû à la taille de sa barbichette et à sa moustache recourbée aux extrémités. Le repas terminé, Bashung se plonge dans les canapés des différents studios à écouter, les uns après les autres, ce que chacun a produit durant la journée. Il boit un dernier verre avec Nicolas ou déguste une dernière assiette de pâtes puis le jeune homme raccompagne Alain - que tout le monde au studio surnomme désormais “Tonton” - dans son petit hôtel de passe miteux à quelques rues d’Antenna. 

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Entre le ballet des prostituées et leurs clients ou une énième bagarre dans un couloir, quelque chose de décisif concernant Fantaisie Militaire se déroule dans cet hôtel. Un peu de contexte tout d'abord. En 1994, Rodolphe Burger, leader du groupe Kat Onoma, travaille aux studios ICP de Bruxelles - là où Bashung a enregistré Chatterton qui sort la même année - sur le prochain album de la formation. Dans les morceaux prévus pour cet album Far From the Pictures, il y en a un qui pose problème: Samuel Hall. En effet, chaque fois que Burger entame son interprétation, il voit l’ombre de Bashung se dessiner derrière lui. Ce morceau dégage une sorte d’évidence pour lui, c’est Bashung qui doit le chanter. Les mots qui le composent, écrits par le poète, écrivain et dramaturge français Olivier Cadiot, appartiennent à Bashung. L’année suivante, en 1995 donc, Burger produit un disque pour Françoise Hardy, encore à ICP et heureux hasard, Bashung est là également pour mixer l'album live Confessions Publiques. Les deux hommes se sont déjà brièvement rencontrés, ne se connaissent pas tant que ça, mais passent beaucoup de temps ensemble. C’est ainsi qu'au cours d’un dîner, Burger confie à Bashung l’étrange histoire de Samuel Hall. Pour le moment l’aventure s’arrête là. Ce n’est que deux ans plus tard que cette histoire refait surface. Au printemps 1997, Bashung se rend chez Burger, rue Bichat dans le 10eme arrondissement, pour un café. Durant l’après-midi, après quatre longues heures de discussions, Burger revient sur l’histoire de Samuel Hall. Il en a, quelques mois auparavant, réalisé une maquette en prévision de la conception d’un album solo. Cet arrangement est bien différent du mur de guitares de Kat Onoma, une simple boucle Jungle, quelques guitares, quelques synthétiseurs, un arrangement très sobre. Burger propose à Bashung d’écouter cette maquette. Ce dernier refuse, voulant se concentrer uniquement sur le travail en cours à Antenna. Trois jours plus tard, Bashung appelle Burger, lui demande de venir à son hôtel pour lui faire écouter la démo. Ce dernier arrive avec une petite cassette DAT et un lecteur bon marché, joue le morceau à Bashung. Le lecteur s’arrête, Bashung à peine débarrassé du casque, tourne la tête vers Burger et lui dit “C’est dans le disque”. 

En plein milieu de cette pré-production, le 22 mai 1997 précisément, c’est l’anniversaire d’Anne. Elle a ce matin là Alain au téléphone qui lui souhaite un bon anniversaire et lui demande de passer au studio pour le dîner. Le soir, Anne arrive tard, elle sort d’une fête de promotion d’un disque, elle est déjà ivre. Bashung est vêtu d’une robe rose et porte un grand chapeau de velours, un déguisement qui amuse beaucoup Anne. Le repas, à la demande d’Alain est composé principalement de homard; Anne en raffole. Le dîner touche à sa fin et Bashung lui demande de suivre Nicolas à l’étage. Une fois en haut, il assoit Anne sur une chaise, lui glisse entre les lèvres un des joints que Alain à l’habitude de fumer, lui met sur les oreilles un casque, éteint la lumière et s’éclipse. Pendant la bonne dizaine de minutes qui suit, Anne découvre en pleurs et émerveillée, Mes Prisons, Malaxe, Dehors, Fantaisie Militaire et Aucun Express. L’écoute achevée, elle descend les escaliers, des larmes coulent toujours sur ses joues, elle mesure la force du cadeau que Bashung vient de lui faire. Les cinq morceaux préfigurent un disque fabuleux. Bashung étant connu pour ne rien laisser s’échapper des studios pendant la création de ses disques, cette écoute dépasse donc la simple démonstration de l’avancée du travail; c’est un don de son amitié et de sa confiance qu'Alain vient de faire à Anne.                                               

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Jean Lamoot

 

                         

Le réalisateur :

 

La production confiée à Anne, Barclay veut que la réalisation de l’album soit déléguée à quelqu’un d’autre. Connaissant l’amour d’Alain pour la musique anglaise, dans les nombreuses formes qu’elle peut prendre, le label décide de proposer la réalisation de Fantaisie Militaire à Ian Caple. En effet, ce dernier en 20 ans de carrière a eu le temps de se construire un CV relativement remarquable, que ce soit dans la sphère musicale anglaise et internationale. Bashung et Caple se rencontrent dans un café de Saint-Germain-des-Prés. Caple arrive trempé, la pluie et le vent violent de Paris ont malmené son flegme britannique. Il s’assoit en face d’Alain qui l’attend depuis une dizaine de minutes. Les deux commencent, comme à chaque rendez-vous, à parler d’art et bien sûr de musique. Bashung depuis leurs débuts, est un grand fan du groupe Tindersticks, Caple, depuis leurs débuts, en est le producteur. Au cours de la conversation Bashung pose d’autres nombreuses références sur la table notamment l’album Pre-Millenium Tension (1996) de l’artiste anglais de trip-hop, on y revient, Tricky dont il est absolument admiratif. C’est également Caple qui l’a réalisé.

La conversation se poursuit et Bashung parle à Caple d’une artiste suédoise relativement inconnue qu’il a découvert quelques mois auparavant, Stina Nordenstam. Ce qu’il ne sait pas c’est que, quand Barclay a contacté Caple pour produire Fantaisie Militaire, ce dernier était justement en studio avec la chanteuse pour assurer la production de son album People are Strange qui sortira en 1998 quelques mois après Fantaisie Militaire.

Caple raconte à Alain comment il en est arrivé à faire ce métier. Sachant que Bashung veut explorer de nombreux  territoires différents pour ce disque, Caple se dit que travailler avec cet artiste peut vraiment être enrichissant, passionnant et surtout productif. En effet, la formation du britannique s’est faite aux deux extrémités de la musique anglaise de l’époque. Il a commencé à travailler comme assistant aux Studios Abbey Road de Londres au milieu des années 70 puis y est vite devenu ingénieur du son. Il y enregistre de grands orchestres symphoniques pour des musiques de films, pour un groupe de rock-prog bien connu pendant la journée et le soir, il se retrouve dans une cave londonienne à enregistrer trois punks saouls et inexpérimentés, lui permettant d’acquérir une ambivalence et surtout de boucler ses fins de mois. Il s’attarde donc sur le mouvement punk qui atteint son apogée en ce milieu des seventies mais aussi d’un autre côté sur tout ce que le punk rejette, le rock-prog et la musique savante. A travers ces anecdotes et récits, la carrière et le potentiel de Caple commencent à se dessiner dans l’esprit de Bashung et ce dernier est convaincu d’avoir trouvé la personne qu’il fallait pour réaliser Fantaisie Militaire





 

Fantaisie Militaire : Le Paroxysme de Bashung, par Bashung, pour Bashung 

Ian Caple

 

                           

Studios Nomis, Londres, auditions :  

 

La pré-production à Antenna est terminée. Maintenant il faut enregistrer tout ce matériel musical, en faire des versions définitives, en faire un album. Pour cela, Caple propose d'emmener Alain à Londres afin d’auditionner des musiciens. Le 14 juillet 1997 Alain, et Edith qu’il a mis dans ses bagages, arrivent en Angleterre, aux Studios Nomis. Bashung qui a réfléchi, précise à Caple qu’il ne veut auditionner que des musiciens rythmiques, il souhaite que le reste des parties soit assuré par les musiciens de la pré-production. Ca tombe bien, Caple avait déjà, pense-t-il, trouvé la paire parfaite pour la rythmique: Martyn Barker et Simon Edwards. Ils ont tous deux officié avec des artistes que Bashung aime particulièrement. Edwards a participé au disque de chevet d’Alain Spirit of Eden de Talk Talk mais il a également travaillé avec Michael Jackson, Juliette Gréco ou encore Brian Eno. Quant à Barker il a collaboré avec Robert Plant, Nick Cave, Bryan Ferry et des artistes français comme Dominique A ou Juliette Gréco. C’est la première fois que, pour l’audition d’un artiste français, le label a pris le temps de traduire les paroles du français vers l’anglais et de les faire parvenir aux musiciens. Cela dit les textes de Bashung traduits n’ont plus vraiment de sens mais le chanteur est cela dit très touché que les musiciens aient pris le temps de lire ses paroles. L’audition commence et les deux entament Malaxe, leur jeu est sublime, le morceau est très lent mais ils tiennent le tempo et incarnent parfaitement ce que Bashung espérait et n'osait imaginer. Alain écoute, très attentif. Au milieu du second morceau de l’audition, Aucun Express, il est convaincu que ces deux-là constitueront la rythmique de Fantaisie Militaire

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   Studio Nomis
 

 

Miraval, Correns, France : 

 

En 1977, Jacques Loussier, pianiste de jazz français connu notamment pour ses arrangements de Bach avec son trio Play Bach acquiert le château de Miraval et son domaine, une grande propriété située à Correns en Provence comptant 900 hectares de vignoble. Dans une ancienne grange du château, Loussier aidé de son ami et ingénieur du son Patrice Quef fait construire un studio d’enregistrement et utilise le château pour en faire un studio résidentiel. La liste des artistes ayant séjournés et enregistrés à Miraval est longue, on compte par exemple Muse, Pink Floyd, AC/DC, Rammstein, Judas Priest, Indochine, The Cure, Wham!, Sting ou encore The Cranberries. 

C’est Anne qui a découvert Miraval. Quand elle cherchait un studio résidentiel pour la pré-production, elle avait fait énormément de recherches, constituant des dossiers remplis d’annotations, de photos, sur tous les studios qu’elle avait pu trouver. Ensuite elle et Alain étaient partis dans la vieille Mercedes d’Anne sillonner la France pour visiter certains lieux que Bashung avait sélectionné au préalable. Anne conduit et Alain fait le copilote. Ils se perdent régulièrement, ce dernier n’étant apparemment pas très doué dans la lecture de cartes. Ces jours passés sur la route forgent une confiance et une amitié entre les deux qui se connaissent depuis si peu. Quand ils ne partagent pas l’habitacle de la Mercedes, ils se retrouvent rue Piat ou Bashung fait écouter à Anne Tinderstick, Nick Cave, Babybird. Quant à Anne, elle lui fait découvrir le hip-hop qu’elle connaît si bien.

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Comme à Antenna ou Aix-en-Provence, Bashung s’installe dans la cuisine de Miraval. Il y rencontre Edgar un ancien SDF recueilli par des religieuses qui l’ont fait embaucher à Miraval. Edgard est un excellent cuisinier mais aime également philosopher sur tout et rien. Bashung tout le long de son séjour aimera et cherchera la compagnie d'Edgar. Ce dernier décédera quelques jours après le départ de l’équipe de Miraval. A l’intérieur de la pochette de Fantaisie Militaire on peut lire la mention “Pour Edgar”. Nicolas, l’assistant d’Antenna à quitté le studio parisien pour venir travailler à Miraval. Quand Bashung n’est pas dans la cuisine, il passe ses journées à jouer au Baby-foot avec Barker et Edwards ou bronze au bord de la piscine avec Nicolas et Anne. Son fils Arthur qu’il n’a pas beaucoup vu depuis le divorce est venu le rejoindre.

Les journées de travail commencent vers 10h. Nicolas passe dans le studio pour allumer les machines et vérifier qu’elles fonctionnent bien. A onze heures tout le monde, sauf Bashung évidemment, arrive au studio, Caple s’installe derrière sa console et Lamoot derrière Pro-Tools. L’équipe écoute la version pré-produite du morceau sur lequel ils vont travailler aujourd’hui. Caple entouré des autres réfléchit à comment ils vont arranger la chanson. Ils expérimentent beaucoup, cherchent de nombreuses sonorités sur beaucoup d’instruments différents. Certaines boucles de la pré-production à Antenna sont conservées mais la plupart des parties sont enregistrées à nouveau. Bashung n’entre jamais dans le studio quand les musiciens travaillent, il n’est cependant jamais loin, à relire les longues pages de textes écrites avec Fauque. Caple est fasciné par cet attachement aux mots. Il n’a jamais vu ça, lui qui a l’habitude d’enregistrer des morceaux dont les textes sont écrits sur un coin de table cinq minutes avant l’enregistrement. Caple est également très content des conditions de travail plus conviviales qu’en Angleterre. Les musiciens ont apporté leurs instruments  mais s'approprient également le large instrumentarium disponible à Miraval, comme des timbales, un clavecin ou encore un vibraphone. 

Un soir, Adrian Utley, co-fondateur et guitariste du groupe de trip-hop - Encore ! - Portishead, arrive aux studios. Un petit mois après sortira le second album du groupe anglais : Portishead. Dans son emploi du temps donc très chargé, Utley a réussi à trouver quatre jours pour venir à Miraval. Anne Lamy l'avait contacté, connaissant l’amour de Bashung pour Dummy, lui proposant de venir poser quelques guitares sur Fantaisie Militaire. Bashung n’apprécie pas que Utley arrive sans matériel, “les mains dans les poches”. Le courant ne passe pas parfaitement dès le début entre les deux hommes mais après quelques repas, cafés ou verres de vin du domaine, tout ira mieux. Utley apprécie particulièrement ces moments de discussion intimes ainsi que la totale liberté qui lui est offerte. Même si la majorité des guitares a été posée par Edith, Utley ajoute quelques ambiances et Wah-Wah dont il est le maître à cette époque. En une fin de journée, Utley attrape la basse électrique d’Edwards et commence à jouer. Il se rend bientôt compte que le crépuscule arrive et il observe le soleil se coucher sur les vignobles en haut de la colline. Levant les yeux il voit les chauve-souris danser au-dessus de sa tête et pense : “c’est un moment magique que je n'oublierai jamais”.

Fantaisie Militaire : Le Paroxysme de Bashung, par Bashung, pour Bashung 
Adrian Utley
 

Bashung n’est jamais présent dans le studio pendant l'enregistrement mais est toujours prêt à distraire, réconforter et faire rire l’équipe. Moment convivial entre tous, le déjeuner offre une pause dans la journée et permet de créer ou de renforcer les liens. Le seul moment où Bashung pénètre dans le studio c’est après le délicieux dîner préparé par Edgar, pour écouter avec tout le monde - sauf Caple déjà couché - le travail accompli dans la journée. Anne Lamy regarde les enfants désobéissant s’amuser quand papa Caple a le dos tourné. L’écoute crépusculaire achevée, tout le monde se retrouve dans la salle TV pour regarder un épisode de Twin Peaks. Chacun a son personnage, Anne est Laura Palmer et Bashung, Dale Cooper. Les nuits sont parfois perturbées par Bashung et Anne se retrouvant dans la cuisine, lui à cause de son insomnie et elle car sa récente grossesse lui donne des envies incontrôlables de tomates farcies. 

En 2009, 2010 et 2011 le couple Brad Pitt et Angelina Jolie loue le château de Miraval pour leurs vacances, et décident d’acheter le domaine pour leur mariage en 2014. Ils suppriment le studio. Depuis, la propriété n’est plus qu’un domaine viticole. Il y a quelques semaines Brad Pitt a annoncé que Miraval allait retrouver sa fonction de studio. En effet il s’est associé au producteur français Damien Quintard pour ouvrir en 2022: Miraval Studios. 

Fantaisie Militaire : Le Paroxysme de Bashung, par Bashung, pour Bashung 
 

                    

 

La fin est proche; Studios Pierce Entertainment, Londres : 

 

Une fois tous les enregistrements terminés et le travail à Miraval bouclé, Bashung, Lamoot et Caple partent à Londres pour mixer l’album. Bashung appelle également Burger pour lui proposer de venir assister au mixage. Ce dernier, très touché, accepte. L’ambiance dans la salle de mixage est très silencieuse et studieuse. Caple a besoin d’être tranquille, rien ne le trouble. Il n'arrête de mixer que pour dormir, manger, aller aux toilettes ou regarder les Simpsons. Caple avant d’entamer le mixage de chaque morceau transfère toutes les pistes Pro-Tools sur un système analogique afin d'apporter une chaleur et une richesse au son. A ce moment-là, ce sont toujours les voix témoins enregistrées dans l'appartement de Belleville un an auparavant qui servent de fondation. Ce n’est qu’une fois toutes les parties de Miraval et Antenna assemblées et mixées que Bashung pose définitivement sa voix sur l’écrin que Caple lui a préparé. Il n’y a que la voix témoin de Samuel Hall, enregistrée à Antenna qui sera conservée, l’équipe la jugeant parfaite et les tentatives de la reproduire se soldant toujours par des échecs. L’ambiance est idéale pour Bashung. La pièce sombre et chaude du studio où il pose sa voix ne comporte que quelques éléments. Un fauteuil et une table sur laquelle on trouve une bouteille de vin rouge, un verre, un large cendrier, des cigarettes et un briquet mais surtout les pages noircies de mots qu’il se laissera le droit de modifier jusqu’à la dernière seconde. Pendant que Bashung chante, les trois hommes présents derrière la console reçoivent tout cela de manières différentes. Lamoot est ému qu’après près de deux ans de travail, l'album voit enfin la fin de sa création toute proche. 

Caple est transcendé par l’idée de retrouver cette voix puissante et chaude qu’il avait découvert lors de son premier rendez-vous avec Bashung. Quant à Burger, c’est la première fois qu’il découvre les morceaux de Fantaisie Militaire. Il est attentif à chaque mot sortant de la bouche de Bashung, touché, voire bouleversé par chacun d’entre eux. Pour les derniers jours de mixage, Bashung propose à Fauque de le rejoindre à Londres. Il lui demande de veiller à ce que Caple ne noie pas ses mots dans la musique comme les anglais en ont l’habitude.            

 

Sortie et Coda : 

 

Alain et Jean sont à Londres, en train de mixer les versions définitives des morceaux de cet album, album qu'ils ont imaginé il y a deux ans dans les jardins du “Pavillons des Lauriers”. La boucle est belle et bien bouclée. Le 6 janvier 1998, il y a 24 ans, sort le 10ème album studio d’Alain Bashung, Fantaisie Militaire. Album concept sur la rupture, ou en tout cas la fin d’une histoire, Fantaisie Militaire reste pour beaucoup le paroxysme de Bashung ou même une porte d’entrée vers son œuvre en générale. La mort et l’amour ou la mort de l’amour sont les piliers sur lesquels toute l’équipe a construit pendant deux ans ce qui sera pour Bashung une coda à son divorce après 15 ans de vie commune et une chose dans laquelle chacun y trouvera son exutoire et son histoire, que ce soit dans les créateurs ou les receveurs. Dans cette pluralité stylistique et ces expérimentations ont peut trouver un point commun à toutes les plages du disque; le “Je”. En effet ce qui relie tous les morceaux et fait de Fantaisie Militaire une entité c’est Bashung lui-même. Le “Je” du narrateur n’est justement pas un “Je” narratif mais bien le “Je” du “Jeu” auquel Bashung s'adonne avec lui-même et avec ses auditeurs. Fantaisie Militaire, c’est la vie de Bashung, c’est son histoire, c’est ce qu’il avait besoin de dire au monde mais surtout ce qu’il avait besoin de formuler et de chanter pour lui-même le réaliser et l’accepter.          

Hugo Tannier
écrit le jeudi 6 janvier 2022 par

Hugo Tannier

Rédacteur pour Janis, nouveau média 100 % musique lancé par LiveTonight

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mis à jour le lundi 17 janvier 2022

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