5 ans après, on n'a toujours pas fait mieux que Melodrama de Lorde
En 2021, Lorde, de son vrai nom Ella Yelich-O’Connor, dévoile son troisième album : Solar Power. Un projet rétrospectif ou la chanteuse néo-zélandaise nous offre un aperçu sonore et visuel de sa terre natale. Un album pop-folk, où Lorde et son producteur Jack Antonoff délaissent les notes synth pop et house de ses précédents projets au profit d’une guitare acoustique. Néanmoins, ce troisième opus s’est vu être victime d’une réception partagée, par les fans et la critique. Surement car il a succédé au brillant Melodrama. Revenons sur ce projet qui a réussi à briser la malédiction du deuxième album.

Après le succès immédiat de son single Royals en 2012, part de son premier album Pure Heroine, Lorde s’impose rapidement comme une figure montante de la scène pop internationale. L’artiste séduit par son timbre de voix roque et la profondeur de ses textes pour son âge (seize ans). La force de la chanteuse se dessine comme étant son anticonformisme et son point de vue unique. Elle touche une génération d'adolescent.e.s, rêveur.euse.s d’un monde plus juste.
Une cruauté envahissante
Quelques années plus tard, elle nous offre Melodrama. Un album sombre et euphorique fabriqué avec la plus grande attention et sagesse. Entre 2012 et 2017, Lorde passe de seize à vingt-et-un ans, des années marquées par le passage de l'adolescence à l'âge adulte. Un chemin souvent fructueux, rempli de doutes et de découvertes. Cette thématique est au cœur de ce deuxième album où la chanteuse nous dévoile son journal intime sur des mélodies aussi vibrantes que mélancoliques. Melodrama est construit comme une métaphore vivante, entre la jeunesse, le premier goût amer d'indépendance et une relation amoureuse. Tout semble fonctionner en double lecture. Une première, où Lorde nous partage ses premières expériences avec l’entrée à l’âge adulte, et une deuxième plus subtile, faisant référence à sa récente rupture amoureuse.
Le New York Times décrit l'album comme un "témoignage de la solitude et de la peine de cœur” Si ce sont ses propres expériences qui l’ont inspirés, le succès de ses textes vient sa capacité à rendre ses émotions intemporelles et universelles.

Qui ne s’est jamais senti comme “un jouet qu’on utilise, jusqu'à ce que plus rien ne fonctionne et qu’on se lasse de moi” ? C’est ce que la chanteuse exprime dans Liability, une ballade au piano où Lorde fait une ode à l'amour de soi. Une chanson d’amour que l’on se chante, le soir, lorsque le doute et la solitude nous gardent éveillés.
“J’imagine que je vais rentrer seule/ Dans les bras de celle que j’aime/ Le seul amour que je n’ai pas ruiné/ Elle est si difficile à satisfaire/ Elle est comme un feu de forêt.” A ce moment de la chanson, on peut penser que Lorde avoue être tombée amoureuse d’une fille, qu’elle utilise le morceau pour le dire. Mais juste après ces paroles, elle continue “Je fais de mon mieux pour lui plaire/ Jeu de séduction, danses romantiques/ Mais n’importe qui verrait bien/ Qu’il n’y a dans cette pièce qu’une seule personne/ Qui danse seule en essuyant ses larmes” On comprend que la chanteuse s’adressait à elle-même depuis le début, nos yeux deviennent inévitablement humides.

Néanmoins, considérer Melodrama seulement pour l’expression de la tristesse et de la solitude serait une erreur. L’album regorge de morceaux festifs et entraînants. Un piano enivrant, des refrains puissants, des graves enchantants et des paroles explicitement touchantes, dans Green Light, tout est mis en œuvre pour nous faire frissonner et danser. Aujourd’hui, le morceau est certifié disque de platine aux États-Unis et a été nommé deuxième meilleure chanson de la décennie par NME. On retrouve une Lorde déchaînée, comme libérée, prête à briser les chaînes qui la retenaient prisonnières.

Dans la suite de l’album, elle explore les sonorités et les images mentales, passe du sombre au saturé, de l’orange au bleu nuit, saccade sa voix, la brise, la reconstruit. Elle danse entre ballades et morceaux synth pop en frôlant la house et l’électro.
L’album se ferme sur le bouillant Perfect Places où plus que jamais, Lorde s’interroge sur le besoin d’évasion que l’on ressent en devenant adulte. Ce questionnement sur notre place dans le monde lorsque l’on a 20 ans et que l’on jure que par la fête. “Toutes ces nuits passées sans les voir/ En essayant de trouver ces endroits parfaits/ Mais, bordel, c’est quoi un endroit parfait ?”
Melodrama est une explosion d'émotions. Voilà la force de ce deuxième album, entre sonorités novatrices et textes aussi universels que touchants, Lorde rend hommage à cette jeunesse qui a mal. Cette jeunesse qui avance sans but, dans l’obscurité des lampadaires nocturnes. Une jeunesse qui pleure, sous les paillettes et les confettis.