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Un pacte avec le diable : le secret du succès de Robert Johnson

écrit par Simo Essouci le mercredi 12 octobre 2022

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Un pacte avec le diable : le secret du succès de Robert Johnson
 

Robert Johnson, le père du blues. Un autre membre célèbre du club des 27 (Si tu ne connais pas, ce sera une histoire pour un autre jour). Sa discographie est extrêmement petite. Elle se résume aux 29 chansons qu’il a écrites et enregistrées à Dallas et San Antonio de 1936 à 1937. (il a pas chômé, le gars). Mais 29 pépites sur cordes, qui ont inspiré de nombreux groupes du 20ᵉ siècle : Muddy Waters, Cream, Eric Clapton, Bob Dylan, Led Zeppelin ou encore les Rolling Stones.


Un pacte avec le diable : le secret du succès de Robert Johnson

Robert Johnson, 1911-1938.


La mythologie autour de Robert Johnson, vient bien sûr de ses chansons brillantes, mais aussi (et c’est ce qui nous intéresse dans cet article) à travers une histoire croustillante comme les biscottes du matin, qui attribue sa virtuosité à un pacte passé… avec le Diable himself. 

Johnson a été connu de ses contemporains, mais les réeditions de ses 29 chansons, d’abord dans les années 60, puis dans les années 90, ont aidé à contribuer à sa longévité. Ceci étant dit, une bonne partie de la vie de Johnson est enveloppée de mystère. 

Un témoignage de choix, a contribué à nourrir le mythe autour de Robert. Son House, un autre génie du blues contemporain de Johnson, a affirmé que ce dernier était à la base, un joueur d’harmonica correct, mais un guitariste médiocre. Il n’y est pas allé avec le plat de la cuillère. Robert a disparu de la circulation au milieu des années 30, mais à son retour, il était métamorphosé. C’était devenu un guitariste hors-pair qui taquinait sa guitare comme personne jusque-là.

 

La légende veut que Johnson ait pris sa guitare et se soit rendu au carrefour des autoroutes 49 et 61 (au fin fond du Mississippi), où il aurait fait un pacte avec le diable : devenir un guitariste virtuose en échange de son âme. Un pacte faustien, dont il parle dans sa chanson cross road blues, qui signifie “la croisée des chemins”.

Dans ce morceau, il raconte l’histoire d’un homme qui attend à un carrefour à la nuit tombante. Morceau qui est à l’origine de la légende qui veut que Robert Johnson ait vendu son âme au diable pour faire sonner sa guitare comme il le faisait. 

Un pacte avec le diable : le secret du succès de Robert Johnson
Image tirée du documentaire “devil at the crossroad”
 

En réalité, (c’est toujours plus simple d’analyser ce genre de rumeurs avec le recul) il s’agissait d’une légende que plusieurs chanteurs de Blues colportaient au même moment (mais sans se concerter. Il n’existait pas d’amicale des pactisans du diable. Du moins, pas à ma connaissance) pour leur propre compte pour ajouter un peu de mystère et de mythologie autour d’eux. Le premier à l’avoir fait semble avoir été Tommy Johnson (sans lien avec Robert), bluesman contemporain de Robert Johnson.

Il faut voir à l’origine de cette légende le mythe de Papa Legba, un esprit du vaudou haïtien qui serait présent près des portes, barrières et autres carrefours. Un parallèle est facile à faire avec St-Pierre, gardien des portes du Paradis.

Les canailles que sont les bluesmen de cette époque ont tôt fait de le transformer en Diable. C'est plus vendeur. Ce qui est plus cohérent avec l’idée que le Blues soit une musique du Diable jouée dans les Juke-Joints. (clubs malfamés où on boit. On danse. On joue aux cartes. Rencontre des femmes et on se fout sur la tronche. La bonne ambiance quoi). Ambiance dans laquelle le fait de dire que son talent vient du diable est bien plus marquant que de remercier son professeur de guitare à 15 euros de l’heure.

Un pacte avec le diable : le secret du succès de Robert Johnson
Soirée dans un Juke-joint du Mississipo, dans les années 30.
 

Robert Johnson meurt à la suite d’une tragique agonie à 27 ans. Il a été empoisonné à la strychnine par un mari jaloux… Ah les histoires de tromperies dans la musique, ça en a tué plus d’un. Mais cette mort précoce, n’a fait que renforcer la légende.

Pour en revenir à crossroads, plus que l’idée d’un contrat avec Satan, elle raconte en réalité la crainte pour un noir américain des années 30 de se faire surprendre sur la route à la nuit tombée : les lynchages par les forces de l’ordre (ou les civils, blancs) étaient monnaie courante à l’époque et la peur exprimée par Johnson dans ce morceau bien réelle… 

C’est la réalité et le quotidien de la population afro-américaine du début du XXᵉ siècle. La ségrégation est à son plus fort. Le spectre de l’esclavage n’est pas loin. Le souvenir de cette période tragique est bien présent dans les esprits, ce qui pousse, après le gospel, une partie de la population à exprimer sa souffrance et la difficulté de son quotidien à travers cette nouvelle forme, plus sombre, plus crue. Qui deviendra le blues. 

Simo Essouci
écrit le mercredi 12 octobre 2022 par

Simo Essouci

Rédacteur pour Janis, nouveau média 100% musique lancé par LiveTonight

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mis à jour le mercredi 12 octobre 2022

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