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Chronique d’une obsession pour Damso

écrit par Hugues Ranjard le vendredi 3 mars 2023

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Chronique d’une obsession pour Damso
 

On est le 17 décembre 2021. Je reçois un message de mon frère : “Je me suis mis à Damso”. “Haha” que je lui réponds. Il continue en me disant : “Son dernier album Qalf Infinity, album de génie”. Ce à quoi je dis “J’ai du mal avec Damso moi”. Au début, j’avais du mal avec Damso, beaucoup de mal. En même temps, je ne lui avais pas laissé beaucoup de chances. Au moment de la sortie de Qalf Infinity, j’avais seulement écouté les deux premiers morceaux. Au deuxième, Vantablack, trop violent, je change et replonge dans mes découvertes de la semaine Spotify. Seulement voilà, les goûts évoluent, mais c’est surtout l’exploration totale d’une œuvre qui permet de réellement juger un artiste. C’est ce que j’ai fait, et je peux le dire, ça a tout changé. 
 

Chronique d’une obsession pour Damso


Chronologie d’une grande découverte

 

Damso, ça fait bien 5 ans que mes potes essayent de me convertir. Je me souviens de 2017, de la centaine de fois où mes oreilles ont été exposées à Macarena. À ce moment-là, je me dis, “ras le bol de ce morceau, quand est-ce qu’on passe à autre chose ?”. Avec ces paroles de rageux, je suis passé à côté d’Ipséité, que je peux maintenant, sans ambiguïté, qualifier de chef-d'œuvre. Le début commence donc vraiment ce 17 décembre. Un trajet de vélib (bleu) plus tard, je commence à comprendre ce dont parlait mon frère. C’est le tout début de la découverte. 

Il s’avère d’ailleurs que je passais la soirée chez lui avec d’autres amis. D’autres amis musiciens, qui en l’occurrence (et je ne le savais pas avant), validaient totalement Damso. 

C’est donc avec Qalf Infinity que je découvre cette musique, qui, après plusieurs écoutes, parait totalement novatrice et différente du reste. Ce genre de découverte, qui devient ensuite totalement obsessionnelle, n’arrive que très rarement. C’est avec ce genre de moment que l’on se dit que la musique est une ressource inépuisable, qui saura toujours nous étonner, nous bousculer, et même nous changer. 

Il est toujours intéressant de découvrir la discographie d’un artiste dans le sens inverse. Et quelque part, avec Damso, ça a du sens. Qalf Infinity porte bien son nom. Comme vous pouvez l’imaginer, s’arrêter à cet album n’était pas possible longtemps. Bingo, deux jours après la découverte, un trajet de 5 h de voiture m’attend, direction l’ile d’Yeu, terre de découverte musicale. C’est là que j’avais découvert la musique de Népal qui m’avait d’ailleurs amené à écrire la première “chronique d’une obsession pour”, Népal donc, à l’époque. 

Après avoir épluché quelques articles et classements, j’ai très vite compris qu’Ipséité était souvent l’album le plus plébiscité du public et de la presse. Je me tourne donc naturellement vers ce disque. Étonnement, la première full écoute ne m’a pas tant bouleversé que ça, même si Mosaïque Solitaire m’a tout de même directement mis une grosse claque. Je retourne donc très rapidement vers Qalf Infinity que je saigne pendant une semaine de plus. C’est en commençant à connaître bien les morceaux, à les chanter, à balancer des punchlines coincées dans la tête toute la journée qu’il m’en fallait plus. 

Je tiens à dire qu’à ce moment-là, Qalf Infinity (et surtout la suite de Qalf) est pour moi une masterclass sans nom. Une musique jouissive, intelligente, riche, musicale, mélodique etc…. On reviendra dessus. Je pose tout de même ici le meilleur morceau de l’album.

Chronologiquement, on doit maintenant être autour du 27 décembre. Ce moment où l’envie de découvrir les autres albums de Damso devient une urgence. Une ballade au bord de la mer, au coucher du soleil me fait jeter mes dés sur Lithopédion. J’avais lu auparavant, qu’il était l’album le moins apprécié de Damso, de manière générale. Ça me rend curieux. Je clique. 

L’introduction me laisse alors bouche bée. C’est la première fois que j’entends la voix de Damso dénuée de tout effet. En tout cas, c'est ce que je me dis. Puis vient le morceau Festival de rêve, énorme. C’est le morceau Baltringue qui suit, encore mieux. Tout ça s’annonce très bien. Les vagues s’éclatent sur les rochers devant mes yeux, j’aimerais entendre leurs sons, mais à ce moment-là, c’est plutôt à Damso de me dire des choses.

Chronique d’une obsession pour Damso

Je repars chez moi en crapahutant dans les rochers. J’entends le début d’une instru, “euh je suis encore sur Damso là ?”. Il s’avère que oui, Julien passe alors pour la première fois dans mes oreilles. “D’accord, il sait tout faire”, je me dis. En arrivant chez moi, je mets le morceau sur les enceintes, la famille semble kiffer, pas étonnant. Un flow Mc Solaar, c’est souvent ce qu’il  faut pour choper l’attention de tous à la maison. Le texte donne ensuite évidemment une autre dimension au morceau.

Dans mes futures recherches, qui se portaient en partie sur le fameux “clash” avec Booba (qui en réalité n’en est pas un), j’ai pu voir que Booba qualifiait Julien de “à vomir”, puis dire sur un live insta “fais un morceau sur la pédophilie”. Qu’il n’aime pas le morceau, très bien, ça ne tient qu’à lui. Me concernant, ça ne m’a fait que le mépriser encore plus. Sa musique, je ne l’aime pas non plus, mais je respecte la carrière ou encore le fait qu’il lance de nouveaux artistes, dont Damso. Bref, j’aime pas Booba.

Revenons-en à la musique, ce pourquoi Damso porte le plus d’importance (lui). Ce qui m’a frappé après avoir passé des heures à éplucher sa musique, ses interviews (et les commentaires magiques YouTube), c’est qu’il fait partie de ces artistes qui traitent la musique comme un être qu’il aime. L’importance de ce qu’est un album, à proprement parlé, prend ici tout son sens. Damso traite la culture d’un disque à sa juste valeur, comme une œuvre d’art, un tableau que l’on peut écouter, réécouter afin d’en comprendre toutes les subtilités. Il a une vision de la musique qui me parle. Une vision qui pourrait ne pas plaire à tout le monde. C’est ici qu’il est intéressant d’observer la différence entre un Booba et un Damso. Booba, lui, (et ce n’est pas une critique) dit qu’il faut “donner du pain” à ses fans. C'est-à-dire balancer une tonne de singles avant la sortie de l’album, pour ne donner qu’un exemple. 

Damso, lui, s’affranchit des codes de l’industrie musicale. Et quelque part, c’est probablement aussi une des raisons de son succès phénoménal. Les auditeurs d’aujourd'hui ont besoin d’être surpris. Damso surprend. Ipséité est sortie sans aucun single, ni clip. Et pourtant, à l’époque, je pensais que Macarena faisait partie de ces hits singles commerciaux à l’arrivée de l’été. Pas du tout. Damso laisse ses auditeurs choisir ses singles, et ça, c’est fort. 

Ses interviews sont cruciales afin de comprendre la musique de Damso, comprendre ce personnage complexe, mais à la fois très simple. Les commentaires YouTube des interviews disent souvent qu’ils viennent de se prendre un cours de philo dans la tronche. De là à dire ça, je ne sais pas. Mais en tout, ce qu’on retrouve, c’est un atiste qui ne parle pas que de sa musique en interview, mais de la société, de la vie en règle générale. C’est ce que faisaient des artistes comme Brel, Brassens ou encore Gainsbourg à l’époque. Une chose est sûre, aimer l’artiste fait aimer sa musique démesurément plus, ou du moins, elle la légitime.

Chronologiquement, j’en étais donc à la découverte de Julien. Je rentre à Paris et écoute alors pour la première fois Batterie Faible, le premier album de Damso. Je ne suis alors pas convaincu de la totalité de l’album. Mais ça ne va pas durer. Je réécoute aussi Ipséité et comprends enfin pourquoi tout le monde crie au génie en parlant de ce disque ! Mis à part deux morceaux sur la face B  (Love, Kin la belle), je comprends désormais la masterclass … À ce moment où j’écris ces mots, mon vinyle d’Ipséité (tout fraîchement acheté) est en train de tourner sur la platine. Le voisin doit un peu moins kiffer.

C’est d’ailleurs l’objet qu’est le vinyle qui va me faire apprécier les morceaux plus “saal”, plus “nwaar” de Damso. Notamment sur Batterie Faible, ou il ne me viendrait désormais pas à l’esprit de me lever de ma chaise pour bouger le diamant sur une autre ligne. 3 disques de Damso, Batterie faible, Ipséité, Qalf Infinity font désormais partie de ma collection de disques, ce qui amène le stade de découverte à une nouvelle dimension. Manque donc une pièce clé des albums du Dems, Lithopédion, devenu (allez savoir pourquoi) ultra rare, au prix de minimum 220 euros … D’ailleurs, si vous avez une copie à vendre, je suis chaud. 

Au bout d’un temps, l’obsession doit se calmer, au risque de se lasser. C’est donc ce que j’ai fait pendant, disons, deux mois. Mais là, (12 avril), je suis en train de replonger doucement. Pourquoi ? À vrai dire, je ne sais pas vraiment, c’est juste vraiment bien quoi. Aller, je pourrais dire qu’une des raisons est que j’ai réussi (et c’était pas évident) à chopper deux places pour Bercy. La première date était partie en 20 min, j’ai pas été assez vif. D’autres billets ont été remis en vente sur une billetterie, j’ai pas été assez vif. Bon et puis, le Dems a capté la dimension de ce qu’il était devenu et a ajouté 3 Bercy, à l’aise. Après Orelsan qui “pose un Bercy sur toute la semaine”, c’est donc au tour de Damso de retourner Paname. 


 

Damso et la musique
 

Damso explore. En explorant, un artiste prend des risques, il risque de se détourner de sa fan base originelle. C’est ce qu’a fait Damso. Il est alors intéressant de voir quels albums ne font pas l’unanimité. Des conversations que j’ai pu avoir, j’ai appris que les partisans de rap  kické aimaient par exemple moins Lithopédion. Pour ma part, c’est ce qui tend le plus vers ce que j’aime, un rap mélodique, parfois chanté. Il a été reproché à Damso (évidemment) de s’éloigner de ce qu’il faisait. Là n’est pas la question. Un artiste est fait pour évoluer, pour essayer des choses dont lui-même ne savait pas qu’il était capable. Il n’y a aucun sens à attendre de quelqu’un qu’il fasse la même chose à travers les années, car comme nous, il évolue, apprend, et ne veut pas s’emmerder à faire ce qu’il a déjà réussi à réaliser par le passé. 

Des morceaux comme Love (dont je parlais précédemment) ne me plaisent pas particulièrement (quoique…), mais on voit bien que Damso cherche à faire quelque chose de nouveau, alors il le fait, point barre. C’est à peu près la même chose qu’il s’est passéepour QALF. Avec des morceaux majoritairement mélancoliques (même si toutefois, je n'aime pas ce terme), Damso annonçait à la fin du disque qu’il allait faire du saal dans Infinity. “nwaaaaar, batterie recherchée”. Effectivement, les 11 morceaux qui ont complété les lettres grecques d’Ipséité montrent toute la maîtrise et patience pour laquelle Damso s’est dévoué. Un an de mix. En écoutant le disque, on le comprend. Il y a là un son profond, que l’on a jamais entendu auparavant, du moins pour ma part. Damso, qui est à l’origine beatmaker est fier de dire qu’il porte une grande importance à la musique, au mix. Ça se sent. À noter le crédit qu’il donne à chaque fois aux beatmakers, comme il l’a fait pendant son speech aux victoires de la musique. 

C’est donc bien la relation qu’entretient Damso avec la musique qui m’a fait basculer dans mon amour de la sienne. C’est toutes ses influences qui font que le son de sa musique est différent des autres. Il y a quelque chose que d’autres ne parviennent pas à atteindre, une espèce de maîtrise totale, facilitée par des moyens techniques désormais accessibles. Il est évident qu’enregistrer aux mythiques studios ICP de Bruxelles permet d’aller plus loin. Seulement, avoir accès aux meilleures conditions de studios est rentabilisé (de manière artistique) grâce aux personnes qui s’y trouvent. En l’occurrence, Damso y a sa place, comme un poisson dans l’eau, très bien accompagné. Il a sa disposition tous les éléments pour faire du saal. Les ingrédients pour cela : beaucoup de talent, beaucoup de travail, un bon entourage et surtout, beaucoup d’envie. 

Damso a deux projets. Le premier, qu’on l'fasse pas chier, comme il le dit si bien. Le deuxième est encore plus important. S’acheter une caravane, y construire un studio et faire du son. Simple, efficace. Un projet qui en dit long sur sa démarche musicale. Tout simplement, faire de la musique, qu’elle sorte publiquement ou pas. Mais au-delà de la musique, Damso maîtrise aussi totalement les mots.  


 

Les mots de Damso
 

En réalité, il y a une chose qui me fait souvent basculer dans l’amour d’un artiste rap, ce sont les textes. Pas une nouveauté bien sûr, on sait que le rap, à la base, plaçait cette importance dans les messages à faire passer. Cet aspect à a tendance à être mis de plus en plus de côté. Les textes de Damso, en plus de ses prods font qu’il est à peu près au-dessus de tout le monde aujourd’hui. On peut évidemment parler de l’aspect trash de certains textes, mais Damso arrive à utiliser la vulgarité d’une manière presque poétique parfois. Et croyez-moi, je suis pourtant le premier à chier sur les textes de rap trop violents.

Et l’ego trip dans tout ça ? Damso l’utilise bien sûr, comme tous les rapeurs. C’est une des premières fois que cet aspect de l’écriture me touche vraiment, probablement parce que Damso est aujourd’hui le meilleur, le dire serait donc une vérité. 

Damso arrive à traiter des sujets (comme le succès par exemple) de manière bien plus subtile que d’autres rapeurs. Ce sujet est devenu un des plus traités et l’exercice peut vite devenir périlleux. Je pense par exemple à certains textes de Lomepal qui n’arrive pas au niveau de Damso à ce sujet-là. 

Certains de ses textes, accompagné d’une grande musicalité, arrivent à toucher des sommets qui n’avaient jamais été atteints auparavant. Mosaïque solidaire, qui, objectivement, est probablement son meilleur morceau, démontre bien tout ce que sait faire Damso.

On est aujourd’hui le vendredi 03 mars 2023, il n’existe pas un mois sans que Damso passe dans mes oreilles. Il est devenu incontournable, vous l’avez bien compris. Je peux enfin clôturer cette chronique. Et je vais la clôturer avec un petit bémol. Comme dit précédemment, j’avais pris des places pour Bercy. C’était le 14 décembre dernier, le même soir que la demi-finale France-Maroc. Qu’importe, ça fait trop longtemps que j’attendais ça. J’y vais avec mon frère, en tribune, tranquille. Le début est millimétré, comme d’hab avec Damso. Un décompte est affiché sur l’écran géant. Puis Damso arrive. Des milliers de téléphones s’activent, les vidéos se lancent. Elles tomberont ensuite dans l’oubli des pellicules de téléphone de personnes qui avaient l’air de plus tenir à montrer qu’ils y étaient plutôt que d’y être. Conclusion du concert : ça fait quelque chose de voir tous ces morceaux en live. Certains morceaux comme Dose ont été brillamment réinterprétés. Concernant le bémol : beaucoup trop de backs. Beaucoup trop ! Damso à quasiment tout le temps la bande sons des morceaux derrière lui. Je m’attendais à ce qu’il prenne plus de risque. Ça m’a particulièrement marqué car deux jours auparavant, je me prenais la claque du live de Kendrick Lamar qui passait à Bercy, seulement un mois plus tôt. Et la différence est criante. On voit Kendrick Lamar en eau au bout de 10 min, en gérant comme il le peut son énergie pour pouvoir faire 1 h 30 de show à poil.

On va en concert pour voir une performance, celle de Damso a été moindre. Probablement pensait-il que les visuels sur les écrans suffiraient, mais non. Voilà pour le coup de gueule. Je me suis tout de même pris une claque, mais je m’attendais à plus. Mention spéciale à Amnésie, chantée uniquement par la foule grâce aux textes qui passait sur l’écran géant. Je pourrais enfin conclure en disant que Damso est un des tous meilleurs, j’ai maintenant besoin de sa musique, presque tous les jours. Donc merci à lui, et rendez-vous le 30 mai 2025, pour on ne sait pas quoi, mais ce sera, sans aucun doute, mémorable. J'ai concocté une "petite" playlist pour l'occaz. 


 

Hugues Ranjard
écrit le vendredi 3 mars 2023 par

Hugues Ranjard

Rédacteur en chef pour Janis, nouveau média 100% musique lancé par LiveTonight

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