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The Kinks : L’histoire d’un groupe resté trop longtemps dans l’ombre

écrit par Géraldine Chaaz le jeudi 4 novembre 2021

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The Kinks : L’histoire d’un groupe resté trop longtemps dans l’ombre


Leur ascension commence comme ça, c’est l'été 1964, les États-Unis mettent fin officiellement à la ségrégation raciale, Tokyo accueille les JO, et quelque part dans les rues londoniennes, les Kinks entrent en studio et en ressortent avec un titre You Really Got Me, qui sera leur premier succès mondial. Sauf qu’en se choisissant un nom pareil, The Kinks (Les Tordus) nous avait en quelque sorte prévenu d'entrée que le chemin n’allait pas vraiment être une promenade de santé et qu’il y aurait quelques dérapages. Retour sur cette traversée de 3 décennies épiques où ce groupe se déchire entre 2 pays, celui de leur terre natale, l’Angleterre et celui de l’autre rock, les États-Unis. Entre ces 2 territoires, des envies de conquêtes, des bagarres, une interdiction de se produire sur scène, des albums concepts et des échecs cuisants.

 The Kinks : L’histoire d’un groupe resté trop longtemps dans l’ombre

En 1965, la tournée américaine est désastreuse. Les Kinks formés par les frères Ray et Dave Davies, Mick Avory (batteur) et Pete Quaife (bassiste) se battent et s’insultent entre eux sur scène, sur les plateaux de télé. Leur comportement hargneux déplaît, les ventes des billets pour leurs concerts sont médiocres, plus d’argent pour les payer. 

Suite aux menaces et annulation des concerts, Betty Kaye en charge de leur tournée, finit par formuler une plainte et, entre causes et conséquences, Ray et ses compatriotes finissent par être blackboulés par le syndicat américain des musiciens (The Union), et n’ont plus le droit de se produire pendant 4 ans. Lorsqu’ils reviennent, on est en 1969, la génération Woodstock s'est installée et a pris possession du terrain de jeu.

The Kinks : L’histoire d’un groupe resté trop longtemps dans l’ombre

Certains disent que sans leur interdiction de travailler en Amérique, ils auraient connu la même notoriété que les Beatles, les Rolling Stones, les Who et consorts. 

So what ?

Lorsqu’on s’immerge dans l’univers des Kinks, il se dégage, a priori, une ambiance foutraque. Tu m'étonnes, entre 1964 et 1996, 28 albums dont 4 enregistrés en concert. Leur discographie est impressionnante. Mais leur musique est souvent remisée à l’ombre de celles des plus grandes icônes du rock ’n’ roll britannique. 

Et oui ! Être privé du public américain ne rend pas la quête de gloire des frères Davies et des autres membres fondateurs, aussi accessible qu’ils l’auraient souhaité.

Qu'à cela ne tienne ! Débarrassé d’une carrière menée à la chaleur des sunlights du succès international, Ray Davies, auteur-compositeur-leader du groupe plutôt du genre prolifique, s’ancre un peu plus dans sa culture anglaise pour en filtrer les nuances et les restituer dans une écriture faussement naïve, sensible et qui regorge d’ironie et d’humour irrésistible so British. 

De ses textes inventifs, il fait naître une série de personnages aussi extravagants comme avec les chansons Lola, Destroyer énervants et suffisants avec Mr. Pleasant ou encore A Well Respected Man que tendres et attachants comme avec Dead of a Clown ou David Watts.

The Kinks : L’histoire d’un groupe resté trop longtemps dans l’ombre

Quant à son frère, Dave, il s'empare de sa guitare et laisse jaillir son riff nerveux pour exprimer la dureté d’une vie anglaise, vous savez… pas celle de la reine et de l’aristocratie, celle du peuple, celle qui vit dans un 2 pièces, qui se fait chauffer le fameux Beans on Toast en guise de dîner. Cette ambiance austère, on la retrouve dans les titres Dead End Street, et Alcohol.

Il est aussi auteur de certains titres dont le joli succès Strangers, dans lequel le guitariste se livre à une introspection sensible sur ses amitiés passées et sur le sens de la vie.

Après leur retour aux États-Unis en 1969 qui résonnait comme un cri de victoire, ce sera plutôt une leçon d'humilité pour les Kinks. Ça ne se bouscule pas au portillon des petites salles de concert pour les écouter. Ray Davies, pris par le doute, s’interroge sur l’avenir du groupe. Il écrit dans l’avion qui les ramène en Europe, une ballade mélancolique qui deviendra ce magnifique This Time Tomorrow. Il dira plus tard que c’est un de ses morceaux préférés.

Avec des textes intimistes et des mélodies subtiles, le groupe nous livre de merveilleuses chansons comme cette ode à leur ville natale de Londres, Waterloo Sunset, reprise plus tard par David Bowie, ou encore Rock ’n’ Roll Fantasy, un texte très personnel dans lequel les 2 frangins composent ce morceau en s’interrogeant si la vie de rock star est vraiment une vie d’adulte sérieuse.

Leur créativité est telle, que les Kinks bondissent d'un style musical à l'autre comme pour mieux exister ! En rupture avec le son américain de l'époque, Ray Davies nous livre une écriture personnelle et parfois plus acide sur le monde qu’il observe. Il s’amuse à prendre le contre-pied et propose The Village Green Preservation Society, qui décrit son Angleterre. Cette pépite aux attraits nostalgiques nous livre une version de la campagne anglaise qui raconte l'époque innocente de ces petites villes. Toujours au gré de l'écriture de leur talentueux leader, les Kinks distillent aussi leur musique dans des sonorités d'opéra-rock, avec notamment Shangri-La.

Autre grand succès, Sunny Afternoon, et malgré son air léger et insouciant, qui revête l’esprit de la chronique satirique, ne vous y trompez pas, il est question de joies réprimées. Créé pour être l’alter-ego de Ray Davies, le personnage aux allures d’aristo poussiéreux de ce récit est en pleine ascension, mais sera finalement déchu.

Dans la veine des textes intimistes, il y a la superbe chanson Celluloid Heroes, ou bien encore le gros succès rendu très populaire par la série Sopranos Living on a thin line.

The Kinks : L’histoire d’un groupe resté trop longtemps dans l’ombre

Entre talent, errance et détermination, les Kinks ont creusé leur propre sillon, certes plus à l’ombre des grands succès des rocks stars de l’époque, mais qui nous livrent aujourd’hui une œuvre majeure et conceptuelle avec une production soignée. 

Ray Davies, connecté au réel du quotidien des gens ordinaires, sait finement capturer l’esprit de la Grande-Bretagne qui transpire dans ses textes, et ce parfum est d’autant plus émouvant et puissant, qu’au-delà des guerres intestines, les Kinks sont restés soudés, sans jamais renoncer au destin qu’ils se sont construits.

Finalement, le temps a travaillé pour ce groupe britannique. Inscrit dans la légende du rock, ce parcours témoigne de l’importance d’un chemin accompli plus que du rêve de gloire à atteindre.

The Kinks : L’histoire d’un groupe resté trop longtemps dans l’ombre

Géraldine Chaaz
écrit le jeudi 4 novembre 2021 par

Géraldine Chaaz

Rédactrice pour Janis, nouveau média 100% musique lancé par LiveTonight

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mis à jour le mardi 9 novembre 2021

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