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L'histoire folle derrière la création du riff de Satisfaction des Rolling Stones

écrit par Géraldine Chaaz le mercredi 20 avril 2022

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L'histoire folle derrière la création du riff de Satisfaction des Rolling Stones
 

Composer une chanson qui est un hymne planétaire depuis presque six décennies n’est pas donné à tout le monde. Encore moins si elle est écrite en plein sommeil. L’existence de la chanson I Can’t Get No Satisfaction des Rolling Stones repose sur trois notes de guitare et une cassette Philips dans un magnéto. Fan ou pas de ce groupe de rock mythique, qu’on ait 30, 50 ou 80 ans, peu importe l’endroit où l’on est, difficile d’imaginer la BO de nos vies sans l’air de cette chanson. Le processus artistique est fait de mystère et vient souvent avec son lot de moments incertains et de légendes. La chanson qui a fait décoller la carrière des Rolling Stones au sommet de la montagne musicale n’en manque pas. Voici son histoire.


L'histoire folle derrière la création du riff de Satisfaction des Rolling Stones

Nous sommes un matin de printemps en 1965, lorsque Keith Richards se lève et s’étonne de voir la cassette qu'il avait mise dans son magnéto la veille, presque à la fin de la bande. Il décide de la rembobiner pour l’écouter. Il y découvre un enregistrement.

Comme revenu d’une épiphanie au pays des songes, le guitariste Keith Richards s’empare de sa guitare sèche en pleine nuit pour poser un riff de 3 notes qui l’assaille pendant son sommeil. S’ensuivent quelques accords et un simple refrain I can’t get no satisfaction, la musique s'arrête, un médiator touche le sol, et puis vient 40 minutes de ronflements du guitariste anglais.

L'histoire folle derrière la création du riff de Satisfaction des Rolling Stones

Au réveil, il ne se rappelle plus de cet instant nocturne et en écoutant la bande, il y découvre les racines de ce qui deviendra l’une des intros de chansons les plus célèbres de l’histoire de la musique.

La contribution de Richards à cette composition est le riff principal et la phrase du refrain. On ne sait pas très bien où sa nuit inspirée s’est déroulée tant il y a de versions données par lui et son entourage. Disons qu’on trace une ligne entre la ville de Clearwater en Floride, son appartement de l’époque et l’hôtel Hilton à Londres et on aura grosso modo le lieu de sa création quelque part sur ce trait. " C'était juste une idée approximative [...] il n’y avait que les os nus de la chanson ", a-t-il déclaré dans son livre autobiographique Life en 2010. 

La suite est écrite par son acolyte des Glimmer Twins, alias Mick Jagger, pas encore très à l'aise pour écrire ses textes. Rappelons qu’au départ, les Rolling Stones est un groupe de reprises. 

L’histoire raconte que Jagger a écrit les paroles au bord de la piscine de l’hôtel Jack Tar Harrison en Floride le 6 mai 1965 suite à un concert écourté au Jack Russell Stadium de Clearwater à cause de fans révoltés par le début d’un show qu’ils jugent calamiteux. Pour éviter de prolonger une sorte de chaos musical avec le public, le groupe est invité à rejoindre son hôtel et à rester sur place. 

Ce serait donc frustré par cette soirée ratée que le chanteur du groupe s’installe à cette piscine d’hôtel et écrit les paroles.

L'histoire folle derrière la création du riff de Satisfaction des Rolling Stones

Il oriente son humeur sur les pièges du consumérisme axés sur la publicité. Il dénonce les colporteurs de radio et de télé qui diffusent des informations inutiles, qui disent comment être viril en fumant telle ou telle marque de cigarettes. Il critique les diktats imposés par la société qui veulent que les gens se pavanent dans l’opulence, tout en ignorant vulgairement les évincés de ce monde euphorique. Au dernier couplet, Mick Jagger glisse vers des allusions sur sa frustration sexuelle. 

En pleine révolution des mœurs, les Stones se placent dans son épicentre avec cette chanson comme étendard alors que le vieux monde tente de résister à coup de censure.

L’ordre établi empêche un temps la diffusion du titre sur les ondes officielles, qui semble-t-il, se braque de l’évocation des menstruations de la femme et de son émancipation sexuelle  - Good Lord! - chose impensable en 1965. “ C’est la vie. C’est vraiment ce qui arrive aux filles. Pourquoi les gens ne devraient-ils pas écrire sur le sujet ? “, a répondu Jagger, interrogé à ce sujet. Les radios pirates s’emparent du single et le diffusent à gogo. 

À l’origine, le morceau est d’inspiration folk, quelques paroles sont empruntées à une chanson de Chuck Berry, Thirty Days (I can’t get no satisfaction from the judge), et celle de Muddy Waters, I Be’s Troubled (I’m never bein’ satisfied). Quand on superpose le titre de Waters avec celui des Rolling Stones, je trouve même qu’il y a quelque chose de l’esprit de Waters dans la manière de Jagger de poser son phrasé traînant. Plus tard, Jagger a suggéré que Richards s’était inconsciemment inspiré de ces 2 chanteurs de blues “ Je ne dis pas que c’est du plagiat ”, remarque-t-il, “ mais on écoutait beaucoup ces morceaux à l’époque ”. 

Keith Richards veut que le riff principal soit joué par des cuivres mais il ressemble un peu trop à l'arrangement de Nowhere To Run de Martha & The Vandellas qui l'a aussi inspiré. Il y renonce définitivement lorsqu’on lui fait découvrir la dernière nouveauté de Gibson, le Maestro Fuzz-Tone, qui fait vibrer les cordes au point de déformer le son de la guitare. La version initiale est enregistrée au Studio des frères Chess à Chicago le 10 mai 1965, sans la fameuse pédale fuzz. Trois jours plus tard, le groupe s’envole pour Los Angeles et travaille au studio RCA sur de nouveaux arrangements et c’est là qu’est ajoutée la distorsion culte. “ Le ton fuzz n'avait jamais été entendu auparavant, et c’est ce son qui a attiré l’imagination de tout le monde ”, a écrit Richards dans son autobiographie. Même si en réalité, d’autres l'avaient déjà utilisé auparavant, Richards a sûrement aidé à populariser ce petit jouet qui sera en rupture de stock quelques mois après la sortie du single.

L’enregistrement en studio se poursuit. Armé de son riff puissant et légendaire, Keith est à la manœuvre, Bill Wyman joue ses notes de basse en soulignant le riff de guitare, s’ajoute le toucher impeccable de Charlie Watts qui joue la batterie en empruntant la section rythmique de Pretty Woman de Roy Orbison. Brian Jones à la guitare acoustique, Jack Nitzsche joue du tambourin et du piano et une fois que toute cette instrumentation est lancée, Jagger pose sa voix puissante qu’il accomplit en une prise. Ça y est, c’est dans la boîte !


 

Malgré la réticence de Keith qui ne croit toujours pas en ce titre, le producteur des Stones, Andrew Loog Oldham décide de shooter le sort de cette chanson par le vote à main levée. À l’exception de Jagger et Richards, la majorité vote pour qu’elle devienne le prochain single. 

Le 6 juin 1965, ce single commence son ascension vers le succès. Il donne au groupe son premier hit américain, il atteint la première place au Royaume-Uni et aux États-Unis, et occupe ce poste pendant 14 semaines. Il a également atteint la première place dans plusieurs autres pays. Le mois qui suit sa sortie, le single est certifié Or. En 2006, les Rolling Stones l’ont joué à la mi-temps du Superbowl. Intronisé au Grammy Hall of Fame en 1998, Satisfaction est l’un des titres les plus connus du répertoire rock, le magazine Rolling Stone l’a sacré comme la deuxième meilleure chanson rock de tous les temps, derrière Like A Rolling Stone de Bob Dylan. C’est aussi l’un des titres les plus repris ; Otis Redding qui lui donnera une version avec des cuivres, Jimi Hendrix, Aretha Franklin, Cat Power, The Residents (accrochez-vous, ça déboîte), et Devo (ma préférée sans doute) se sont emparés du morceau et ont contribué à perpétuer cette chanson culte. Même Frank Zappa a emprunté le riff principal pour le morceau Hungry Freaks, Daddy sur son premier album Freak Out!.

La chanson figure aussi sur l’édition américaine de l’album Out of Our Heads mais pas sur l’édition britannique. Mettre un single sur des albums était considéré comme une arnaque en Angleterre.

Mick Jagger a déclaré en 1985 au magazine Rolling Stone : “ Les gens deviennent très blasés à propos de leur grand succès. C’est la chanson qui a fait les Rolling Stones, elle nous a fait passer d'un simple groupe de plus au statut d’un des plus grands groupes [...] c’était impressionnant la façon dont la chanson et la popularité du groupe sont devenues une chose mondiale. Vous avez toujours besoin d’une chanson signature [...] celle-ci a capturé l’esprit de l’époque".

“Chaque fois que je joue Satisfaction, je trouve de nouvelles façons, juste un petit coup de langue ici et un petit coup de langue là-bas ", a déclaré Richards à CBS News en 2016. “ Le fait est que des choses se passent d’une certaine manière, vous écrivez des chansons et cinq jours plus tard, vous en enregistrez une. Vous la connaissez à peine et puis vous l’emmenez sur la route pendant 50 ans ”.

Le guitariste se souvient qu’au début, il était mortifié et puis le titre a fait son chemin et presque 60 ans plus tard, il ne se lasse pas de le jouer. 

L'histoire folle derrière la création du riff de Satisfaction des Rolling Stones

C’est avec ce shot électrifié d’une énergie grincheuse et d’une allure d’un rock ‘n’ roll débraillé que les Stones ont scellé leur sort de superstars de la scène musicale mondiale. Et bien que la suite de l’existence de Sir Michael Philip Jagger et de ses compagnons de route peut nous faire avoir un regard ironique sur le sens de leur chanson, force est de constater qu’ils avaient une allure folle et une intention dingue d’exister sur scène, et ont su saisir une photo de l’époque en créant le début de quelque chose, l’expression viscérale d’une liberté personnifiée.

L'histoire folle derrière la création du riff de Satisfaction des Rolling Stones

Géraldine Chaaz
écrit le mercredi 20 avril 2022 par

Géraldine Chaaz

Rédactrice pour Janis, nouveau média 100% musique lancé par LiveTonight

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mis à jour le jeudi 5 mai 2022

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